«Nous ne sommes pas des squatteurs» : un club école évacué par Bordeaux Métropole
Le club école de l’association L’aile de l’Ange, qui occupait gracieusement le collège désaffecté Jacques Ellul, a été prié de quitter les lieux.
Telle Icare, L’aile de l’Ange, brisée, est en larmes. L’association bordelaise d’Ukrainiens, qui avait ouvert un club école en février pour que leurs enfants «n’oublient pas où ils sont nés», est délogée par Bordeaux Métropole. L’institution, qui lui avait octroyé un droit d’occupation à titre précaire des locaux désaffecté du collège Jacques Ellul, s’est rétractée le 26 mars. «L’association s’est étalée et a outrepassé les prérogatives qui étaient indiquées dans la convention : elle accueille du public alors que ce n’était pas prévu et que Bordeaux Métropole n’est pas assuré pour ce type d’activité dans ces locaux», justifie par écrit l’établissement public. Le bail stipule bien une mise à disposition de l’endroit à «des fins logistiques» en vue de préparer des convois de colis à envoyer en Ukraine.
«Il avait laissé entendre lors du dernier renouvellement du bail qu’on pourrait s’arranger», s’étrangle Kristina Jay Kernistka. La porte-parole de l’association «ne comprend pas pourquoi cette évacuation est aussi rapide et aussi violente alors qu’il y a déjà beaucoup de violence dans la vie de ces enfants». Une soixantaine d’enfants était accueillie les mercredis et samedis. Pour eux, ces murs étaient devenus un refuge. L’association avait d’ailleurs commencé à les repeindre avec l’aide de leurs parents pour les rendre plus accueillants.
Selon L’aile de l’Ange, délogée un mois après la publicité de l’ouverture de son club, si «Bordeaux Métropole ne veut entendre aucune des solutions proposées», c’est pour une tout autre raison. «Ils ont signé un bail avec le diaconat de Bordeaux. Des migrants doivent s’installer dans l’aile d’à côté», avance Kristina Jay Kernistka. «Ils ne veulent pas prendre le risque d’une cohabitation avec les adultes», décrypte-t-elle.
En droit de révoquer le prêt des locaux dont elle finançait les charges, Bordeaux Métropole assume en effet cette corrélation. «L’accueil était prévu pour le diaconat et non pour L’aile de l’Ange. L’objectif du respect des conventions est qu’il puisse y avoir une bonne coexistence des différents occupants sur l’ensemble du site», indique ainsi l’établissement public.
Pour les membres de ce club école à la rue, cette décision administrative est vécue comme une injustice. «Je n’ai pas vu venir le problème. Nous ne sommes pas des squatteurs. Le moral est à zéro et je pense qu’on va perdre une partie de l’équipe», confie Kristina Jay Kernistka, très émue à cette idée. Pour solution, Bordeaux Métropole propose d’accueillir ces enfants dans «des structures à proximité (centre d’animation, bibliothèque)».
Une éventualité loin de convenir à L’aile de l’Ange qui donnait des cours. «Nous ne sommes pas un centre aéré», insiste Kristina Jay Kernistka. Pour l’instant, les parents ont été informés par lettre de la fermeture, mais les bénévoles «n’ont pas eu le courage de décevoir» les petits qui n’en ont pas encore conscience. Leur porte-parole se rend pourtant à l’évidence : «Si on ne trouve pas un mécénat ou des locaux gratuits, on ne pourra pas continuer».