Cette semaine, Darmanin a encore fait parler de lui pour un SUV de fonction choisi par sa femme, si l’on en croit Le Canard enchaîné, et l’inauguration, à Tourcoing, d’un O’Tacos.
Tout cela lui ressemble bien, digne d’un sous-ministre de la Consommation. Or, l’homme est tout de même ministre de l’Intérieur et, depuis une semaine, tente de se faire une réputation à gauche en interdisant de façon aussi systématique qu’incompréhensible toute une série de manifestations classées à l’extrême droite. La manœuvre était grossière !
L’interdiction d’un colloque – oui : un colloque ! – et d’une manifestation en l’honneur de Jeanne d’Arc organisés par l’Action française était non seulement stupide, mais aussi incompréhensible de la part d’un ministre dont les accès d’autorité médiatique sont systématiquement marqués d’un soupçon d’illégalité, comme l’a montré la malheureuse affaire Iquioussen.
Et ce samedi 13 mai, le soupçon est devenu réalité : le tribunal administratif de Paris a suspendu les arrêtés de la préfecture de police interdisant la tenue des deux manifestations du mouvement royaliste.
On pourra disserter à l’infini sur pays légal et pays réel. Samedi soir Éric Letty évoquait un « pouvoir aux abois ».
Maître Pichon, avocat de l’Action Française pouvait sobrement se réjouir sur Twitter :
Tous les observateurs un peu avisés savaient qu’il ne pouvait en être autrement dans un État de droit. Vendredi, c’est le juriste Olivier Cahn, peu suspect de maurrassisme, qui rappelait, dans Le Monde, quelques évidences : « Cette annonce est, pour dire le moins, étonnante, puisque le principe de la liberté de manifestation est consacré en droit français par une décision du Conseil constitutionnel de 1995. Elle pose deux types de problèmes. D’abord, comment définir ce qui relève de l’extrême droite ou de l’ultra-droite ? Ces notions sont politiques, elles correspondent à des catégories élaborées par les services de renseignement, mais elles ne font pas sens juridiquement. Ensuite, cette annonce contrevient à un principe, le droit de manifester, consacré par la Constitution et par les traités internationaux dont la France est signataire, dont la Convention européenne des droits de l’homme. »
Ce n’est pas faire injure à M. Cahn que de prétendre qu’un mauvais étudiant de L2 en droit aurait pu éviter à M. Darmanin cette nouvelle humiliation.
Après l’imam Iquioussen en cavale en Belgique, c’est donc Maurras qui se paye Darmanin : vraiment trop fort, le bonhomme !
Cette nouvelle « darmaninerie » se termine comme les autres : pitoyablement. On peut en rire et inciter toutes les causes aussi perdues que celles d’Iquioussen ou de Maurras à se faire connaître auprès de la cellule juridique du ministère de l’Intérieur pour solliciter une interdiction : elles y gagneront un sacré coup de pub.
On peut aussi, une nouvelle fois, s’affliger du niveau qui règne au sommet de la Macronie. Nouveau symptôme du délitement d’un pouvoir miné par l’incompétence : l’idéologie et la communication à court terme. Quand on se demandera, dans quelques années, si M. Darmanin a vraiment été ministre de l’Intérieur, on s’entendra répondre : « Mais oui, souviens-toi, c’était sous Macron, et tu sais, Castaner aussi avait occupé le poste ! » C’est vrai…