Dans les salles de Bordeaux : A l’ombre de Staline.
Un grand film à la mémoire d’un grand reporter, oublié.
Il n’y avait personne dans la salle, au Mégarama pour la séance de l’après midi pour la projection du film d’Agnieszka Holland, réalisatrice polonaise. Cette situation insolite m’a remis en mémoire la projection à Paris, au quartier Latin, en 1973, de « La dernière tombe à Dimbaza ». J’étais également seul pour voir ce documentaire sur l’apartheid. Un documentaire de 55 minutes tourné clandestinement en Afrique du Sud. Une œuvre qui a fait son œuvre.
Il n’est pas donné, souvent, de voir un grand film. J’ai donc vu 2 fois un très grand films, tout seul, dans une salle de cinéma vide. La dernière fois cette semaine, à Bordeaux. Le thriller tiré du reportage de Gareth Jones en Union Soviétique en 1932/1933, est une œuvre réussie, sur un journaliste au courage extraordinaire, qui a risqué sa vie pour témoigner sur un gigantesque crime contre l’humanité, masqué, caché et encore méconnu, aujourd’hui. C’est un grand film.
Le génocide oublié
Il s’agit du génocide de la paysannerie ukrainienne. L’extermination par la faim des paysans du Kouban, du Donbas et du reste de l’Ukraine, occupés par les soviétiques. Le grenier à blé de l’Europe a subi une énorme famine qui a tué 7 millions de personnes. Dans un grand silence. Staline exportait le blé volé aux paysans, pour faire rentrer des devises afin de financer l’industrialisation de l’URSS. Pendant que les paysans et leurs familles mourraient, la censure régnait. Rien dans la presse controlée par Moscou, mais rien, non plus, dans la presse des pays libres. Déjà les communistes contrôlaient l’opinion.
C’est l’histoire de ce reportage que nous montre ce film. Avec intelligence. Avec pudeur, et sensibilité.
On comprend mieux après avoir vu le film la haine des ukrainiens pour les « moscalis ». On comprend mieux la résistance opposée par le peuple d’Ukraine à l’invasion de la Crimée, du Donbas par les supplétifs du dictateur du Kremlin. On comprend aussi que cette invasion de 2014 est une terrible faute morale. Elle rallume le terrible contentieux entre les ukrainiens, descendants des cosaques du Dniepr et du Kouban, et l’autocratie russe. L’Ukraine, ancienne terre celte, est plus européenne qu’asiatique. Même parmi les petits enfants des colons russes installés par Staline en remplacement des paysans exterminés, ceux que l’on appelle les « russophones », il reste un rejet du despotisme moscovite.
Eloge au courage
Seule une poignée d’hommes s’est élevée contre le politiquement correct de l’époque. Garet Jones par ses articles, qui ont eu beaucoup de mal à paraître, a contribué à déciller quelques intellectuels comme George Orwell (1984, La Ferme des Animaux). Il a contribué avec Boris Souvarine, avec André Gide et quelques autres à briser le silence sur les crimes russes. Pour cette clairvoyance, pour ce courage, il mérite notre reconnaissance.
Allez voir le film.