Sous couvert de « précaution sanitaire », des troupeaux entiers de bovins sont aujourd’hui abattus au nom d’une maladie virale peu mortelle et non transmissible à l’homme : la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Officiellement, il s’agit de protéger le cheptel. En réalité, ces abattages totaux s’inscrivent dans une politique ancienne, cohérente et planifiée de réduction massive de l’élevage européen, désormais justifiée par l’idéologie écologique et sous couvert sanitaire.
La DNC est une maladie transmise par des insectes piqueurs. Elle provoque fièvre, nodules cutanés, baisse de production. Sa mortalité est faible ( 1 pour 1000). Des vaccins existent et sont utilisés avec succès dans plusieurs régions du monde. Pourtant, la réponse privilégiée reste l’abattage intégral des troupeaux, même lorsque seules quelques bêtes sont touchées. Un choix radical, coûteux, socialement destructeur, mais politiquement commode.
Car derrière l’argument sanitaire se profile une logique plus vaste : réduire structurellement le nombre de bovins en Europe.
Une stratégie vieille de plus d’un demi-siècle
La guerre contre l’élevage n’a pas commencé avec la DNC. Elle remonte aux années 1960. Sicco Mansholt, commissaire européen à l’Agriculture puis président de la Commission européenne, porte alors un projet clair : faire disparaître la paysannerie traditionnelle au profit d’une agriculture industrielle concentrée. Son plan vise l’élimination des petites exploitations jugées « non rentables », la mécanisation forcée, la dépendance au crédit et aux intrants.
Puis vient le tournant des années 1970 avec le Club de Rome et son rapport Halte à la croissance (1972). La production, la démographie, l’alimentation deviennent des problèmes. L’idéologie de la décroissance s’installe progressivement dans les cercles dirigeants. L’élevage, hier activité nourricière essentielle, devient un danger écologique dans le discours dominant.
Dès lors, la vache cesse d’être un animal nourricier pour devenir, dans l’imaginaire public, une machine à méthane, coupable du dérèglement climatique, responsable du CO₂, quasi ennemie de la planète.
Pays-Bas, Irlande, Belgique : l’écologie devenue brutale
Cette logique a quitté le terrain théorique pour devenir politique coercitive.
Aux Pays-Bas, sous le gouvernement de Mark Rutte (recasé depuis à l’OTAN…), en 2012, un plan de réduction de près de 30 % des cheptels bovins est imposé pour respecter les normes azote et les objectifs climatiques. Résultat : expropriations, rachats forcés de fermes, ruine programmée de milliers d’exploitations. Les éleveurs se sont révoltés. Autoroutes bloquées, affrontements avec la police, un pays agricole historiquement prospère mis à genoux au nom de l’écologie.
En Irlande, l’un des plus grands producteurs européens de viande bovine, les mêmes objectifs sont désormais à l’étude. En Belgique, les mêmes contraintes environnementales servent de levier pour fermer des exploitations. Partout le discours est identique : « Il faut sauver la planète ». Et partout le résultat est le même : disparition de l’éleveur indépendant.
La DNC, accélérateur technocratique de la décroissance agricole
C’est ici que la DNC joue un rôle décisif. Elle permet de transformer un choix politique en obligation sanitaire. L’abattage n’est plus débattu : il est ordonné. L’éleveur n’est plus un acteur économique : il devient un exécutant. Le troupeau n’est plus un patrimoine vivant : il devient une variable administrative.
Comme lors de la crise Covid, la mécanique est connue : peur, injonction, obéissance, indemnisation conditionnelle, contrôle total. Celui qui doute est disqualifié. Celui qui résiste est sanctionné. Le sanitaire devient un outil de gouvernement.
En quelques décisions préfectorales, on supprime en silence ce que cinquante ans de politiques agricoles n’avaient pas encore totalement anéanti.
Le Bovaer : la vache sous perfusion chimique « verte »
Dernier maillon de cette chaîne : le Bovaer, additif présenté comme capable de réduire les émissions de méthane des bovins. Il agit directement sur la fermentation du rumen. Il est déjà imposé ou fortement encouragé dans plusieurs pays.
On promet une « vache compatible climat ». Ce que l’on ne dit pas clairement, c’est que :
- les effets à long terme sur la santé animale sont encore largement débattus ;
- l’éleveur devient dépendant de protocoles industriels imposés ;
- l’élevage bascule définitivement dans la chimisation du vivant.
Après l’abattage sanitaire, voici l’animal sous additif obligatoire, modifié pour satisfaire les normes climatiques. La nature est désormais sommée d’obéir aux tableurs.
Derrière la vache, l’homme
Ce combat dépasse largement la question animale. Il touche à l’existence même du monde rural, à la souveraineté alimentaire, à l’équilibre des territoires, à la transmission des savoirs, à la dignité du travail paysan.
Un éleveur ne « produit » pas seulement de la viande ou du lait. Il entretient les paysages, fait vivre des régions entières, assure une autonomie stratégique à la nation. En détruisant l’élevage, on détruit non seulement une économie, mais une civilisation.
Et pendant que l’Europe liquide ses fermes, elle importe toujours plus de viande produite dans des conditions sociales, sanitaires et écologiques bien pires. L’écologie devient ainsi un instrument de désarmement agricole, au profit des grandes puissances exportatrices.
Le sanitaire comme fusil d’exécution politique
L’abattage total pour cause de DNC n’est pas uniquement une mesure vétérinaire. C’est désormais un outil de pilotage politique du vivant. Comme pour les hommes durant le Covid, l’animal est devenu un objet sanitaire soumis à des protocoles technocratiques déconnectés du terrain.
Ce système n’admet ni nuance, ni débat, ni choix local. Il applique mécaniquement des normes globales à des réalités humaines complexes. L’éleveur est désubjectivisé. La terre est administrée. Le troupeau devient un chiffre.
Refuser la fatalité
Refuser l’abattage total systématique n’est pas un déni de la santé animale. C’est refuser que le sanitaire serve de prétexte à une politique de décroissance imposée d’en haut, contre les peuples, contre les territoires, contre la souveraineté alimentaire.











