Finale de la coupe arabe : des violences urbaines en mode silencieux dans les médias français

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Il nous a semblé nécessaire de faire une synthèse des violences urbaines à la suite de la victoire de l’Algérie, systématiquement minimisées et édulcorées par les médias mainstream : « Dormez braves gens »! Ces faits sont pourtant d’une gravité exceptionnelle et les prémices d’une guerre civile annoncée par certains.

Samedi 18 décembre 2021 était organisée la finale de la coupe arabe de football au Qatar. L’équipe nationale d’Algérie a gagné le match qui l’opposait à celle de Tunisie. Bien que cet évènement ait eu lieu à des milliers de kilomètres de notre pays et qu’il oppose deux équipes étrangères, il a été accompagné par de nombreuses violences urbaines un peu partout en France. Une nouvelle fois, les médias français ont tout fait pour que l’opinion publique n’y voie que du feu, si l’on peut dire… Euphémisation, occultation, minimisation et autres manipulations ont été au rendez-vous. Revue de presse.

Les préliminaires

De l’aveu même de la Préfecture de police de Paris dans un communiqué de presse, les matchs précédents de la coupe arabe de football ont donné lieu à des « débordements (…) durant lesquels de nombreux supporters de football se sont rassemblés sur l’avenue des Champs Élysées, envahissant les voies de circulation et envoyant projectiles, fumigènes et mortiers en direction des forces de l’ordre ».

Circonstance aggravante à ces manifestations violentes, la situation sanitaire se dégrade en France, avec une hausse vertigineuse des contaminations au coronavirus. Le Parisien nous informe à ce sujet le 18 décembre que, le Premier ministre a annoncé le vendredi 17 décembre que « la capitale se passera cette année de son feu d’artifice le soir du réveillon du 31 décembre (…). Moins on est nombreux, moins on prend de risques ».

Les pouvoirs publics avaient donc deux bonnes raisons pour ne pas permettre des rassemblements massifs sur les Champs Élysées à l’issue de la finale de la coupe arabe. Afin de prévenir tout trouble à l’ordre public, le préfet de police a en conséquence pris un arrêté interdisant l’accès des supporters des équipes de football à ce secteur, lors de la finale de la coupe arabe le samedi 18 décembre. Mais c’était sans compter sur « l’enthousiasme » débordant des nombreux supporters de l’équipe d’Algérie en France.

Les « débordements » des supporters algériens

Comme nous l’apprennent les principaux titres de la presse écrite, la réaction des supporters algériens à la victoire de l’équipe nationale d’Algérie ne s’est pas fait attendre.

Le quotidien sportif L’Équipe nous informe le 19 décembre que « des débordements (ont été) constatés sur les Champs-Élysées après la victoire de l’Algérie en Coupe arabe ».

Les éléments de langage sont les mêmes que ceux de la préfecture de police de Paris : nous sommes en présence de « débordements ». Chacun aura compris qu’il faut lire la presse mainstream avec son dictionnaire permettant de décrypter le vocabulaire politiquement correct. Le journaliste se base sur le témoignage d’un confrère pour relater de façon énigmatique de « nombreuses charges simultanées dans des directions opposées, créant mouvement de foule et tensions au milieu des touristes et des familles ». 

On a à ce stade le plus grand mal à identifier tant les agresseurs et les agressés que la nature des « débordements ». On n’en saura pas plus sur l’identité de ceux qui ont déclenché les troubles à l’ordre public.

Quand les médias de grand chemin ne reprennent pas la qualification de « débordements » au sujet des multiples violences commises dans différentes villes françaises à l’occasion de cette finale, ils les décrivent de façon tout aussi euphémisante comme des « tensions », à l’instar de France InfoLe Figaro et Europe 1. On ne peut qu’être reconnaissant à ces journalistes d’éviter de jeter un regard trop cru sur une certaine réalité « française » et de ménager les lecteurs.

Les « tensions » : vandalisme et agressions contre les forces de l’ordre

Il faut pousser plus avant la lecture des articles des journaux et des sites d’information en ligne pour en apprendre un peu plus sur la nature des « tensions » et autres « débordements ».

La Voix du Nord reste positif malgré tout : « l’Algérie gagne, une belle fête à Lille, avant des incidents en fin de soirée ». Après avoir décrit avec force détails la « fête », le quotidien nous informe de façon très laconique que des CRS ont affronté « des individus les ayant ciblés avec toutes sortes de projectiles et des mortiers d’artifice ». L’esprit festif se manifeste parfois de façon inattendue.

À quelques kilomètres de là, à Roubaix, la présentation par La Voix du Nord des événements est la même : « l’Algérie l’emporte, la fête se transforme en affrontements à Roubaix ».

On apprend en toute fin d’article que « les choses ont fini par déraper : les jets d’artifices, les comportements dangereux en voiture et sur deux-roues, les jets de canettes ont contraint les forces de l’ordre à procéder à la dispersion au moyen de grenades lacrymogènes. (…), des renforts ont été appelés pour contenir les récalcitrants. Quant aux sapeurs-pompiers, ils étaient également sur le pont : neuf interventions en lien avec ces événements ont eu lieu dans la soirée, dont sept pour des feux de voitures et deux pour des feux de détritus ».

À Nancy également, les supporters de l’équipe d’Algérie ne sont pas si pacifiques et bon enfant que cela : L’Est républicain nous apprend qu’après la « fête », « des affrontements se sont ensuite déroulés à l’angle des rues Charles-III et Saint-Nicolas, entre des manifestants anti-pass et des supporters défilant avec des drapeaux algériens pour célébrer la victoire de l’Algérie face à la Tunisie en finale de la Coupe arabe. Les policiers ont mis fin aux affrontements en utilisant des grenades lacrymogènes ». Tout ça, c’était avant un premier article du quotidien régional publié à 19h37 qui ne mentionnait que « la liesse et les embouteillages après la victoire en coupe arabe ». On n’en saura malheureusement pas plus sur les affrontements et la nature du différend entre les manifestants anti-pass et les supporters de l’équipe d’Algérie.

À Lyon, la finale de la coupe arabe se traduit par « le centre-ville de Lyon bloqué, la Guillotière privé de transports en commun », selon LyonMag. Malgré cette mesure de sécurité, probablement assortie de nombreuses autres, « d’importants embouteillages se sont formés sur les quais du Rhône, avec un concert de klaxons et des rodéos urbains entre les véhicules à l’arrêt. Un peu plus tard, des affrontements ont eu lieu avec les forces de l’ordre au niveau de la place Bellecour, forçant ces derniers à user de gaz lacrymogène ».

À Nice, Nice-Matin nous informe de « scènes de liesse » après le match. « On est loin des débordements observés à Paris, taclés sur Twitter par le député azuréen Eric Ciotti ». Mais pourtant, on apprend en poursuivant la lecture de l’article qu’« à Nice-Est en revanche, des feux de poubelles sont à signaler. Et même des tirs de mortiers en direction du commissariat de l’Ariane ». Une attaque d’un commissariat, on ne peut même pas appeler cela un « débordement » dans l’échelle de gravité des événements ?

Minimisation encore et toujours à Toulouse : France 3 Occitanie constate que « la joie des supporters de l’équipe de football d’Algérie provoque des débordements ». Florian Esnault est beaucoup plus direct sur Twitter : « Des supporters algériens prennent pour cible un équipage de police ».

Dans son édition du 19 décembre, La Provence nous informe de « tensions sur les Champs-Élysées ainsi qu’à Marseille après le match de foot Tunisie — Algérie ». Une fois de plus, nous n’en saurons pas plus sur la nature de ces « tensions » à Marseille. Il ne doit surement y avoir aucun intérêt à s’appesantir sur la question…

Valence, Dijon, Rillieux-la-Pape, Vénissieux, Nantes …

La litanie continue : à Valence, « les supporters dérapent après la victoire de l’Algérie », selon Le Dauphiné Libéré.

Parmi les médias qui essaient de faire un recensement exhaustif des « débordements », Valeurs actuelles nous apprend dans un article du 20 décembre que « 150 personnes se sont rassemblées à Dijon, attaquant la police aux mortiers et en jetant de nombreux projectiles. À Montbéliard, 200 individus cagoulés se sont également manifestés ».

Dans les environs de Lyon, à Rillieux-la-Pape ou à Vénissieux, « plusieurs voitures et poubelles ont été incendiées ». « À Melun, un guet-apens a été organisé pour attirer les forces de l’ordre » et les attaquer.

Le site de revue de presse Fdesouche a mis en ligne des images de « liesse » au Havre, Nantes, Toulouse, Bordeaux, Saint Nazaire. Une nouvelle fois, quand la « liesse » s’exprime avec un peu trop d’exubérance, le qualificatif de « tensions » revient immanquablement dans les articles des journaux qui relatent l’événement. Mais restons détendus…

L’impertinence des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux permettent de trouver une couverture non conformiste des scènes de « liesse » : on peut notamment voir sur des photos des drapeaux palestiniens brandis à Marseille et à Paris. Ce qui amène à douter sur la nature de l’évènement, coupe de football ou manifestation de force de la communauté musulmane ?

À Marseille, l’esprit bon enfant a vite laissé la place aux invectives. Le porte-parole d’un syndicat policier, Matthieu Valet, commente sur Twitter les images de jeunes au comportement agressif .

Même indignation à Paris .

La synthèse des médias nationaux

Le lendemain de la fête, le journal de midi de France 2 le 19 décembre est particulièrement laconique et résume en une phrase tous les faits précédemment relatés à quelques « débordements ».

Si France Info mentionne les « tensions entre supporters et forces de l’ordre sur les champs Elysées après le sacre de l’Algérie », les éléments chiffrés de la soirée sont éloquents, même s’ils sont partiels car ils ne concernent qu’un nombre très réduit des villes concernés par les « scènes de liesse » :

A Paris, « 32 personnes ont été interpellées et 432 ont été verbalisées pour non-respect de l’arrêté préfectoral ou pour infractions routières (45)(…) « Dans le reste de la France, 23 personnes ont été interpellées dont 14 en particulier à Roubaix (…). Ils étaient 2 000 à Lille où la police a interpellé deux personnes, a précisé cette source. A Lyon, sept policiers ont été légèrement blessés et une personne interpellées, selon la préfecture du Rhône et la source policière. Au total, 55 personnes ont été interpellées samedi soir et dans la nuit de samedi à dimanche en France ».

Exit les violences à Nancy, Toulouse et ailleurs. Au diable les détails…

Une application de la loi à double sens

Au final, les médias de grand chemin n’auront surtout pas relevé que les lois ne semblent s’appliquer en France qu’à ceux qui les respectent. Une partie de la jeunesse « française » d’origine immigrée a montré une nouvelle fois qu’elle piétine ouvertement toutes les consignes et les règles du pays dans lequel elle vit. En dépit de l’arrêté de la préfecture de police de Paris, c’est un cortège serré qui a fêté la victoire de l’équipe d’Algérie sur les Champs Élysées. La présence de la police à Paris, à Lille, à Roubaix, à Toulouse et ailleurs n’a aucunement empêché les « débordements », ce qui illustre non seulement une curieuse conception de la fête, mais également parfois une haine contre les représentants de l’État, et peut-être plus largement des Français de souche.

Sur les réseaux sociaux, les commentaires acerbes ne manquent pas pour souligner la différence de traitement lors des manifestations de gilets jaunes, au cours desquelles des manifestants ont perdu un œil suite à des tirs de LBD. C’est un usage « proportionné » de la force et de la « violence légitime » de l’État à géométrie variable que l’on constate une nouvelle fois.

Malika Sorel le soulignait en 2019 dans les pages du Figaro, « hisser ou planter un drapeau n’est jamais anodin. C’est un acte éminemment politique qui symbolise, tout comme l’hymne national, un ancrage moral, l’attachement à un socle de principes et de valeurs, et bien sûr un enracinement sentimental. Brandir le drapeau sous le nez de l’ancien pays colonial, c’est l’expression d’une revanche sur l’Histoire. Une revanche qui s’est trouvée légitimée par le candidat Macron lorsqu’il a accusé la France de «crime contre l’humanité ».

Mais au-delà, comme l’Observatoire du journalisme le soulignait – déjà — en 2014, « dans de nombreux cas, l’allégresse algérienne et ses dommages collatéraux ont donné l’impression que se jouait dans la plupart des grandes villes française une « guerre civile ritualisée ». Car ces manifestations patriotiques de jeunes d’origine maghrébine, souvent de la deuxième voire de troisième génération, illustrent non seulement une allégeance à un pays différent de celui dans lequel ils vivent, mais souvent également une défiance vis-à-vis de ses lois.

À chaque match de football professionnel impliquant une équipe d’Afrique du nord, l’exubérance communautarisée et parfois violente devient prévisible. Et la passivité des forces de l’ordre une constante. Si les médias de grand chemin semblent s’y être habitués et en minimisent l’importance, il n’est pas sûr qu’il en soit de même de la majorité des Français. Le problème peut-il se régler ? L’INED nous apprend que les maghrébins sont les plus représentés parmi les étrangers à qui un titre de séjour est délivré en France, on constate à la lecture d’un article du Point que l’immigration clandestine issue du Maghreb est à sens unique, compte tenu du nombre dérisoire d’expulsions effectives. Pas si sûr, donc. Bonnes fêtes quand même.

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