France-Maroc en demi-finale : l’heure de vérité !

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Par Pierre Boisguilbert de Polémia

♦ Il y a tout de même de bons moments dans les médias. Celui notamment où les journalistes, prisonniers comme des mouches dans un bocal, se fracassent contre leurs contradictions. Il y a des « en même temps » plus durs que d’autres. On va donc suivre avec délectation l’évolution du discours médiatique pour la demi-finale Maroc-France. Pas facile, les gars !

Au départ, tout se présente bien. Les journalistes sportifs, qui bien sûr ne font pas de politique, s’émerveillent. Enfin une équipe arabe, une équipe africaine en demi-finale d’une Coupe du monde ! C’est salué comme la fin d’une injustice et l’aurore d’un nouveau monde où les pays africains auront toute leur juste place dans la planète foot. Ce qui est sous-entendu, c’est qu’ils sont discriminés notamment par les dirigeants européens du foot. On est à la limite du discours indigéniste et, bien sûr, ça ne gêne personne. On notera tout de même une absence dans cette flagornerie. Aucun de nos commentateurs n’a mis en avant une autre évidence, celle de la première qualification en demi-finale d’un pays musulman. Pourtant la dimension religieuse était évidente avec l’importance donnée aux prières par les joueurs. La vérité oblige à dire que Sud-Américains ou Africains chrétiens prient aussi ostensiblement. Mais la vérité est là : le Maroc est un pays arabe – même si ça se discute –, africain mais pas d’Afrique noire, et en tout cas sûrement musulman.

Et puis ça se complique. Les Anglais, des colonialistes emblématiques pourtant, perdent devant les ex-colonisateurs français seconds au titre de l’impérialiste mondial, une catastrophe pour les symboles simples. Un match Maroc-Angleterre aurait permis le déferlement d’un anticolonialisme sans complexe. Certes l’équipe française est très africaine – qui ne le remarque pas ? –,mais, lors de ce match, ce n’est pas Mbappé, l’idole de la diversité, qui a qualifié les bleus, mais Giroud, un archétype de la France d’avant, souvent moqué d’ailleurs par une sorte de racisme anti-« de souche » qui n’ose dire son nom.

Et voilà nos journalistes sportifs comme le caméléon sur la couverture écossaise. Comment à la fois valoriser l’ex-colonisé ou dominé et l’ex-colonisateur voué à toutes les repentances même sportives. Aucun commentateur sportif n’ira cependant jusqu’à demander aux bleus de perdre pour se faire pardonner le protectorat, car il y a des limites. Le mondialisme et le tiers-mondisme s’arrêtent où commence le chauvinisme du foot, ce niveau zéro du patriotisme. On va donc se régaler.

On va avoir des tentatives pour présenter cette demi-finale comme la célébration du vivre-ensemble. Le problème, c’est que pour les Marocains même binationaux, c’est simple. C’est le Maroc contre la France et on va leur montrer par le foot qu’on est à leur niveau dans tous les domaines. Le Maroc prend une importance africaine grandissante dont ce résultat est le symbole. Les relations avec Paris sont assez mauvaises en raison de l’indécente flagornerie quasi permanente de Macron vis-à-vis de l’Algérie. Cependant, point capital, même si l’Algérie et le Maroc sont au bord de la guerre, on verra en Algérie la victoire marocaine célébrée comme une victoire sur un adversaire commun, le roumi. Verrait-on la France célébrer une victoire de l’Angleterre contre le Maroc comme un succès des croisés contre les sarrasins ? Tout est dit.

Pour les uns tout est fierté, pour l’autre tout est complexe. La cohérence historique et ethnique du Maroc ou de la Croatie n’a entraîné aucun commentaire. Pourtant il y aurait eu de quoi dire. Nos journalistes sportifs bien-pensants vont soutenir la France, car ils y sont quasiment obligés. Mais ils vont tout faire pour que ce match fasse avancer l’idéologie médiatique immigrationiste. Ils ont une inquiétude. Si le Maroc gagne, il y aura des débordements violents dans de nombreuses villes de France avec, sous-entendu, « nous sommes plus forts que vous surtout chez vous ». Mais s’ils perdent, ce sera pire.

La sincère joie patriotique des rues de Casablanca, Rabat ou Marrakech force la sympathie, l’admiration et même l’envie, sa transformation en intifada du foot dans certains quartiers de France est condamnée massivement par les Marocains du Maroc, mais c’est un sacré révélateur. Cependant, si certains Marocains voulaient en France même s’opposer à la joie des supporters des bleus, ce serait une situation unique et à haut risque. C’est le cauchemar du ministère de l’Intérieur, le face-à-face tant redouté, qui pour le moment n’a jamais vraiment eu lieu. Tous retiendront leur souffle après le coup de sifflet final, quel que soit le vainqueur de cette demi-finale unique qui devrait être un côte à côte de deux nations liées historiquement. Il y a, hélas ! peu de chances que ce soit le cas.

L’immigration massive non contrôlée va-t-elle même nous gâcher une Coupe du monde qui depuis 98 encense en vain la diversité ? Quel journaliste sportif en parlera ? C’est l’autre grand défi de cette demi-finale où l’on n’attendait pas les Marocains qui y ont toute leur place, on peut être fier pour eux tout en souhaitant la victoire française. Mais ce « en même temps » là est-il encore compatible avec notre triste époque ?

Pierre Boisguilbert
12/12/2022

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