Les black-bourges détruisent la fac !

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La chienlit

Blocus de l’université de Bordeaux : retour sur neuf jours de saccage

Dans le hall d’entrée enfumé de volutes de cannabis traînent deux caddies remplis de cadavres de bouteilles d’alcool. Sur le pilier d’en face, une feuille volante scotchée indique : «On a voté en assemblée générale (AG) la non-autorisation de la vente de drogues. (Si vous en voyez, n’hésitez pas à rappeler à l’ordre).» Un dernier mot souligné sous lequel a été ajouté : «Nous sommes les forces du désordre». Le ton est donné. Et neuf jours seulement après le décret de l’occupation étudiante ce 21 mars, les dégradations du campus de l’Université de Bordeaux, situé place de la Victoire, sont en effet bien visibles.

Les tags «ACAB», «Ni*** la police» ou encore le «A», symbole des anarchistes, apparaissent dès la façade des lieux, qui se veulent «QG de la lutte» bordelaise contre la réforme des retraites. À l’étage, les bâtiments sont défigurés. Tags sur les murs, dossiers jetés au sol, mobiliers entassés contre les fenêtres, l’université a été saccagée. Maya, une des organisatrices de l’occupation, reconnaît que les dégradations ont été trop loin. «Le mouvement étudiant ne voulait rien de tout ça. Forcer des portes pour qu’on puisse dormir c’est normal, mais à ce point-là non», affirme la membre du comité sécurité. Ouverts à chaque occupation pour permettre aux occupants de se doucher, les appartements de fonction ont pour autant été littéralement dévastés cette année avant d’être condamnés.

«Dépassés» par les événements, les organisateurs s’inquiètent de l’image que renvoient ces dégradations et de leurs conséquences judiciaires. Les étages, dont l’accès a également été condamné jeudi, devraient être «restaurés et nettoyés», assure la jeune femme. Un avis qui ne fait pas nécessairement l’unanimité. «Il y a des pratiques diverses et variées sur la question», concède un autre membre du comité sécurité. Avant d’ajouter : «À titre personnel, je pense que l’expression artistique peut passer par les tags si l’on tient compte des problématiques liées à ce bâtiment dont la pierre et le bois sont plus difficilement récupérables qu’une porte ou un tableau qui se changent à moindre coût».

Alors que des dizaines de tags apparaissent déjà sur les murs en pierre de l’ancienne faculté de médecine et de pharmacie, une nouvelle règle les proscrivant a été votée en AG ce jeudi. L’accès aux toits a également été fermé. «Point d’honneur» que les organisateurs «essaient de tenir» dans ce carnage : l’accès à la bibliothèque, fermée par la direction, n’a pas été dégradé malgré les tentatives d’intrusion.

Blocus du campus de la Victoire de l’Université de Bordeaux… Les lieux, qui se veulent QG de la lutte contre la réforme des retraites à Bordeaux, peinent à s’organiser. «Bédo (joint de cannabis, NDLR), dodo, le cœur de la révolution», comme le suggère un tag à l’étage ? Au cœur des difficultés du vivre ensemble en effet : la consommation de la drogue. «Il y a des gens qui sont addicts et qui consomment au sein de l’occupation. On ne peut pas fermer les yeux dessus, mais ça n’a pas de pertinence de l’interdire comme le fait l’État, car il y en aura quand même», assure en fumant un joint, Lola, 21 ans, étudiante en sociologie et également membre du comité sécurité. Un stand de prévention et des poubelles destinées aux seringues ont été installés dans les toilettes. 

Des états d’ébriété que le comité de sécurité tente de filtrer à l’entrée. «Ce qui a été acté ces derniers jours, c’est la vigilance collective. L’enjeu, c’est de sensibiliser l’ensemble des personnes qui rentrent, y compris ceux qui viennent parce qu’on leur a dit que c’était la fête», précise Antonin, qui en portera bientôt le brassard. Pour les autres, dire «salut» en passant suffit à pénétrer dans l’enceinte des lieux entre 8 heures et 22 heures. «On ne veut pas que ce soit une boîte de nuit avec des vigiles qui choisissent qui peut entrer au faciès», assure le militant. Avant d’admettre que les partisans de l’extrême droite «aux pratiques violentes» sont bannis de cette annexe de la gauche et de l’extrême gauche. Autrement dit : «Si un groupe comme ça s’approche, il y aura au mieux une fermeture de la porte, au pire une confrontation physique», prévient le jeune homme.

Bien loin de «l’allure prestigieuse» promise à ses étudiants, le président Dean Lewis «déplore la dégradation progressive» des lieux sur le site internet de l’université de Bordeaux. Contacté à plusieurs reprises, il n’a pas souhaité répondre. Depuis la fermeture administrative de l’édifice le 22 mars pour une durée indéterminée, le personnel administratif est en télétravail. À deux semaines des partiels, la continuité pédagogique est toujours en cours d’organisation pour les étudiants concernées (facultés de Psychologie, Sociologie, Sciences de l’éducation et Anthropologie).

«Sociologiquement, on est tous d’accord pour être contre le gouvernement Macron», assure Romane, 20 ans, étudiante en sociologie dans le campus qu’elle occupe. Comme ses camarades, qui usent de la même phrase, elle estime que «le passage en force du 49-3 est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, même si les revendications vont bien au-delà». Contre le capitalisme libéral, les inégalités qui prospèrent et les répressions policières «super violentes à Bordeaux», ils sont plusieurs à revendiquer «le taxage des plus riches» et la déficience d’un État providence qui n’en ferait pas assez.

Titi, revenu sur les lieux par nostalgie après avoir activement participé au blocus de 2019, est l’un d’entre eux. Il milite également pour «la liberté du droit à l’échec» et la fin de la sélection de Parcoursup afin que chacun puisse «entrer en master sans avoir forcément validé une licence» ou «assister à un cours universitaire» aux grés de ses desiderata. Le vrai problème pour eux ? La «non-écoute du peuple», répondent-ils en fustigeant la dissolution de «Soulèvements de la terre» après les affrontements violents de Sainte-Soline. Neuf jours après leur annexion des lieux, ils tentent donc de créer un «espace accueillant» (un grand foutoir), source d’informations pour agréger les luttes.

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