Burdigala Presse est un media résolument à droite. Dans cette optique, nous donnons la parole à tous ceux qui oeuvrent à la reconquête intellectuelle par les idées qui ont fait la grandeur et la prospérité de notre pays, et, au delà, de la civilisation européenne. Identité, souveraineté, sens de l’honneur et de la parole donnée, sens du débat et de la « disputatio ». Dans ce cadre nous désirons alimenter la réflexion politique et publions des opinions susceptibles de nourrir la réflexion politique en ces temps de grande confusion.
Nous soumettons à nos lecteurs cet article paru le 28 Juillet dans Causeur sous la plume de Arnaud Le Gall qui fait une analyse intéressante de la situation politique à 9 mois des élections présidentielles.
Eric Zemmour serait-il un sous-marin du macronisme ? Entendons: sa candidature serait-elle téléguidée par Emmanuel Macron pour affaiblir celles de Marine Le Pen et du futur (ou la future) candidat(e) LR ? Crédible au premier abord, l’hypothèse suscite deux remarques.
La première est qu’il est assez piquant d’entendre ou de lire une telle hypothèse lorsqu’elle vient de l’établissement qui n’a de cesse de dénoncer le complotisme de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le système politico-médiatique au pouvoir. Nouvelle insulte stigmatisante, le complotisme compense avantageusement les deux lacunes des accusations de nazisme et de fascisme. Son caractère d’apparence sociologique englobe un champ d’application plus vaste que le seul aspect politique. En outre, il permet d’occulter la dérive des démocraties occidentales vers un autoritarisme étatiste à tendance sanitaire fondé sur une idéologie scientiste et progressiste et qui obéit à des intérêts financiers gigantesques, conjonction qui n’est pas dépourvue de tout lien avec ces deux régimes.
Garantir un second tour Macron-Le Pen ?
La seconde est que la candidature d’Eric Zemmour prendrait des voix au RN et à LR, faisant ainsi le jeu d’Emmanuel Macron. Diviser la droite pour garantir un second tour Macron-Le Pen, dont l’issue serait jouée d’avance : la vieille ruse mitterrandienne toujours et encore, jouant sur le suivisme de l’électorat conservateur conjuguée à la docilité des partis de la droite parlementaire, le tout sous la censure permanente des médias – de gauche, est-il besoin de le préciser. Et, reconnaissons-le, cette issue serait plus que probable. Car, en plus de vouloir rendre fréquentable le parti qu’elle a arraché à son père, Marine Le Pen a, consciemment ou non, fini par donner une certaine consistance à l’un des arguments opposé de manière récurrente au FN puis au RN : l’incapacité à gouverner d’où découlerait l’absence d’une réelle volonté de gagner. Longtemps jeté à la figure de Jean-Marie Le Pen, afin de le réduire au rôle d’agitateur politique, l’argument finit par prendre corps à l’égard de sa fille. Malgré les résultats des élections régionales, lesquels ne peuvent s’expliquer exclusivement par les causes qui brident ordinairement le RN, Marine Le Pen a eu pour principale réaction de confirmer que le RN ne redeviendrait pas le FN et resterait sur la ligne qu’elle a définie.
Or on peut d’ailleurs se demander de quelle ligne il s’agit, dès lors que le RN s’est tenu à l’écart des combats les plus importants de ces dernières années dans lesquels une grande partie de son électorat pouvait se reconnaître : le mariage pour tous, les gilets jaunes, les lois sur la bioéthique, et plus récemment la gestion de la crise sanitaire et le scandaleux « passe sanitaire ». Finalement la seule ligne claire adoptée par le RN réside dans le renouvellement de son équipe de direction dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne correspond pas vraiment à sa base électorale. Même sur l’immigration et l’insécurité, deux phénomènes désormais hors de tout contrôle, le RN n’est plus guère audible.
Un contexte instable et explosif propice pour tenter une aventure ?
Quant à LR, l’absence totale de chef et de programme – pourquoi faire un programme distinct de celui d’Emmanuel Macron puisque les fondamentaux sont identiques ? – ne garantissent pas sa présence au second tour. Mais sait-on jamais ?
Bref, la candidature de Zemmour permettrait d’enfoncer un coin entre LR et le RN et d’assurer une réélection confortable à Emmanuel Macron. Ajoutons à cela une dose de vote à distance, justifiée par la lutte contre l’abstention et dont le résultat serait aisément modifiable : rappelons à quel point les services gouvernementaux ne cessent de souligner, à raison, notre extrême vulnérabilité en termes de cybersécurité.
Sauf que les vieilles ruses mitterrandiennes pourraient bien avoir fait leur temps. Non pas que le « front républicain » soit mort. A trop l’avoir dit les tenants de ce mécanisme sont parvenus à faire croire que l’instrument était cassé : les élections régionales récentes ont prouvé le contraire, au moins pour la région PACA.
La crise sanitaire pourrait cependant avoir changé la donne. Une partie importante des Français croit toujours, avec la naïveté la plus désespérante, que leurs gouvernants agissent dans l’intérêt national. C’est affligeant mais on n’y peut rien changer. En revanche, ce qui peut changer c’est qu’on se trouve, à l’évidence, à un moment décisif de l’histoire de notre pays et du XXIème siècle : les risques et les défis n’ont jamais été aussi grands et tout peut basculer. On ne citera que deux perspectives, qui ne sont d’ailleurs pas exclusives l’une de l’autre : pendant que, sous l’égide des Soros, Gates et Cie, une certaine élite mondialiste tente d’imposer une bienveillante démocrature sanitaire globalisée, fondée sur la tolérance tous azimuts (ou presque), écologiquement responsable et progressiste, les Etats-Majors chinois et américains se demandent lequel des deux aura le plus d’intérêt à frapper en premier.
Les prétendus points faibles de la candidature Zemmour
Dans ce contexte instable, voire explosif, une partie de l’électorat conservateur pourrait-il vouloir trouver un nouveau chef de file en la personne d’Eric Zemmour ? Un tel rôle ne va pas sans se heurter à quelques obstacles. Passons donc en revue trois critiques majeures qui pourraient lui être faites :
– le manque de charisme : il faut être un peu partial pour lui trouver moins de charisme que n’en ont Valérie Pécresse, Xavier Bertrand voire Marine Le Pen dont, il faut bien l’avouer, une partie des électeurs ne peut s’empêcher, tout en votant pour elle, de rêver à sa nièce. Entre un polémiste intelligent et réactif et les politiciens de la droite parlementaire qui n’ont jamais articulé deux mots dont on se souvienne, le choix semble vite fait. Maintenant, que serait Eric Zemmour lors d’un débat politique ? Quelle est sa capacité à enthousiasmer un vaste auditoire indécis et à enflammer une salle ? Autant de questions auxquelles on n’a pas encore la réponse.
– le manque d’expérience dans la direction des affaires : l’argument fait rire. Car enfin, à quoi devrait-on comparer l’inexpérience de Zemmour en la matière ? Au fait qu’il n’a jamais exercé de responsabilité ministérielle ou locale ? Mais en dehors de faire de leurs mandats des rentes de situation susceptibles de servir de tremplin (même François Hollande est parvenu à se faire élire à la magistrature suprême !), de quels résultats pouvant constituer des arguments électoraux percutants et décisifs les éventuels candidats LR peuvent-ils se prévaloir ?
– le manque de compétence technique : cette objection participe d’une incompréhension de la fonction présidentielle. Depuis des décennies, les candidats potentiels à l’élection présidentielles français ne sont plus, pour l’immense majorité d’entre eux, que des techniciens qui se réfugient derrière leurs prétendues compétences. Or – ainsi que cela ressort des échanges lors du conseil des ministres du 27 février 1963, relatés par A. Peyrefitte dans son livre C’était de Gaulle – le fondateur de la Vème République ne connaissait que les grandes lignes de la procédure de vote des lois de finances et s’en remettait, pour le détail, à son ministre du budget, Valéry Giscard d’Estaing. A charge pour le ministre et son administration de mettre en œuvre les procédures prévues par les textes. L’élection à venir est peut-être notre dernière possibilité pour sortir de la dictature des techniciens : le président de la République n’est pas un spécialiste de l’économie ou du droit mais un chef qui décide en fonction de l’intérêt national, à charge pour le gouvernement d’exécuter ces décisions. Il doit connaître les enjeux, les contraintes et définir des impératifs. Il n’a pas à « connaître ses dossiers », au sens où on peut l’exiger d’un ministre et de ses proches collaborateurs. Incapables de prendre des décisions face à la crise sanitaire, les prétendues élites ont abandonné le pouvoir aux médecins du travail réfugiés dans la haute administration. La dictature des techniciens, qui prospère sur l’absence totale d’hommes d’Etat depuis des décennies, n’a jamais été plus forte qu’aujourd’hui. Ne pas être un technicien serait donc plutôt un atout.
Au-delà des apparences…
Bien entendu, on ne peut faire le moindre pronostic sur les résultats du premier tour et Eric Zemmour ne sera peut-être même pas en mesure de se présenter. Entre la procédure d’autoprotection du milieu politicien par le barrage des cinq cents signatures et les chausse-trapes de toute sorte qui pourraient s’ouvrir sous ses pieds, tout peut arriver. Y compris un report de l’élection elle-même pour des motifs sanitaires afin d’empêcher le corps électoral de faire porter son choix sur un candidat qui ne vient pas du système.
Alors, Zemmour serait-il une torpille lancée par Macron pour éclater le vote de droite ? L’hypothèse est peu vraisemblable tant cette manœuvre paraît inutile et même risquée. Entre l’atonie de la droite parlementaire, qui pourrait ne pas faire un score insignifiant, et le plafond de verre auquel se heurte le RN, le boulevard semble largement dégagé pour le président sortant, même si, depuis 2007 plus aucun président sortant n’a été réélu et même si Emmanuel Macron ne réalise peut-être pas qu’il a accumulé un capital d’aversion au moins aussi important que celui qui a valu à Nicolas Sarkozy d’être remplacé par un président normal. En tout état de cause, aucun des politiciens en lice n’a intérêt à ce qu’émerge, dans le débat politique, un nouvel arrivant qui, quel qu’il soit, pourrait peut-être avoir quelque chose de la stature d’un chef d’État.