« Dans le contexte d’émergence du macronisme, il y a ce qu’il faut bien appeler une très grande médiocrité morale. Doit-on la situer dans l’ensemble du pays ou dans les classes moyennes ? La morale reposait sur des structures stables, anciennes et historiques – la culture catholique, la culture communiste, la culture socialiste, la culture nationale, gaulliste -, tout ça a explosé, on est dans un monde d’immoralité. Pour moi, la toile de fond du macronisme, c’est une certaine honte d’être Français ».
Réflexions de l’anthropologue et essayiste Emmanuel Todd devant les étudiants de Sciences Po le 3 octobre 2018. Au cours de cet échange, Emmanuel Todd lâche des coups très durs sur Emmanuel Macron qui est à la tête du pays depuis un an.
Qualifiant le président de la République de « nain intellectuel » et de « puceau de la pensée », il analyse l’électorat d’Emmanuel Macron de la manière suivante : « Des gens des classes moyennes, ayant souvent une bonne éducation, qui se prennent pour autre chose que ce qu’ils sont, qui se pensent bons, qui se pensent intelligents, qui sont dans un état de lévitation psychique. »
La « lévitation psychique » est une référence aux discours d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017 où le candidat racontait des trucs absolument pas intéressants avec un air de messie, le genre de machins qu’on apprenait à Sciences Po avant la grande crise de 2008 ».
Une remarque globalement admise par la plupart des observateurs politique de la campagne.
Emmanuel Todd revient enfin sur la sociologie de l’électorat macroniste de l’année 2017 (qui a depuis très sensiblement évolué) qui reprend : « la vieille carte socialiste avec des bastions catholiques supplémentaires qui ont sans doute quelque chose à voir avec le ralliement de Bayrou, et une plus grande visibilité des métropoles ».
Ce portrait au vitriol intervient dans un contexte de relatif consensus sur la personnalité d’Emmanuel Macron, particulièrement dans les « milieux parisiens » qui ont pour partie voté pour lui dès le premier tour en 2017.
Ces déclarations d’Emmanuel Todd ont donc pu laisser perplexe, voir ont pu choquer une partie de son auditoire de Science Po. Un mois plus tard cependant, débutait le mouvement des Gilets jaunes, un mouvement populaire inédit depuis 1968 et dont une partie des causes est à chercher dans l’élection présidentielle de 2017.
Campagne qui s’est arrêtée le soir du premier tour en vertu du désormais récurrent « Front républicain ».
Le mouvement des Gilets Jaunes connaîtra un épisode de tension majeur le soir du 4 décembre 2018 lorsqu’Emmanuel Macron manquera de peu de se faire arrêter, voir lyncher, par la foule lors de son déplacement au Puy-en-Velay.
Une exaspération inattendue pour le président de la République qu’avait pourtant synthétisée Emmanuel Todd (ce n’est toutefois pas le seul) un mois plus tôt à Sciences Po.
Pour aller plus loin : Gérard Davet et Fabrice Lhomme, « le traitre et le néant », éditions Pluriel, 2022.