La modernité n’aime pas l’intelligence !

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Oui, la modernité n’aime pas l’intelligence, parce qu’elle n’aime pas le réel.

Pourquoi ?

Parce qu’elle le fuit, du moins elle s’en échappe pour deux raisons : soit pour s’en abstraire, ce qui pourrait être une bonne raison si elle y revenait, soit pour le dominer, puis le relativiser à sa guise. L’histoire de la pensée est chargée d’expériences dans ce sens, en premier lieu au XIVe siècle, puis avec Descartes, suivi de Kant, Hegel, et au sommet avec Nietzsche, Feuerbach, Sartre ou Foucault, par exemple.

Le nœud du problème semble bien se situer sur la relation entre le réel, la réalité et la pensée, les idées.

Cette relation prend appui ou non – là est la question – sur le sensible, que ce soit l’univers physique ou la part sensible de l’homme, donc son corps. En fin de compte, toute réalité existante doit-elle être saisie préalablement en dehors des sensations, car pour Platon, le corps est le « tombeau de l’âme » et pour Descartes, « nos sens nous trompent ». Cela concerne chacun d’entre nous, y compris notre relation à la foi, si nous croyons en Dieu. Dieu est au-delà du sensible, certes, puisqu’il en est le créateur, mais il ne le rejette pas, il le relativise pour nous permettre de le rejoindre. Il nous a fait corps et âme. Le christianisme n’est-il pas fondé sur un Dieu qui s’est incarné pour nous rejoindre et nous libérer de nos erreurs, en se sacrifiant lui-même ?

La modernité n’aime pas l’intelligence, parce qu’elle l’a sacrifiée sur l’autel de la question de la vérité, la relation entre la pensée, l’idée et l’être, « ce qui est ». La réalité nous est donnée, offerte. À nous de la recevoir telle qu’elle est pour elle-même dans son mystère, pour la comprendre, pour admirer la réalité qu’est l’homme, l’aimer, et la réalité qu’est l’univers physique, la perfectionner en la transformant pour notre bien et celui de l’humanité.

Amour et intelligence ont besoin l’un de l’autre. Ils sont faits l’un pour l’autre dans la complémentarité. Admirer, c’est déjà aimer. Recevoir, c’est déjà connaître, ‘naître avec’. Puis l’alliance des deux mène au mystère de l’être, partant du jugement d’existence « ceci est » et s’élevant jusqu’à atteindre cette source qu’est l’Être premier, Dieu Créateur, que l’intelligence humaine peut découvrir par elle-même. N’est-ce pas sa noblesse, sa vocation et sa finalité ultime ?

Peu nombreux sont les gens dont l’intelligence s’appuie sur la réalité, donc sur l’être, préalable à une réflexion approfondie de toute question et, de plus, fondement de la paternité spirituelle. Bien souvent, on réagit de façon instinctive, immédiate, de la réalité ou d’une situation à sa représentation dans l’imagination. La réalité est alors réduite à sa forme perçue et conceptualisable, comme si l’intelligence allait ou venait de soi, « science infuse », inscrite en l’homme, soit par nature pour tous, soit par Dieu pour le croyant. D’où cela vient-il dans notre histoire ? Du rayonnement de la pensée médiévale sous l’influence des théologiens : d’un côté avec Duns Scot et Ockham, mais aussi diversement avec Bonaventure, de l’autre avec Thomas d’Aquin. Les premiers s’enracinent dans Platon, le second dans Aristote, les deux grands philosophes grecs. Les premiers traitent des idées et du concept partant de l’immanence formelle, le second du principe de causalité tourné vers la cause finale.

L’activité de l’intelligence prend alors deux voies opposées, celle de la subjectivité venant de la pensée et celle de l’objectivité issue de l’être. Se détournant du réalisme, la modernité reçoit ensuite son objectivité de la dialectique hégélienne unie au positivisme d’Auguste Comte : enfermée dans le devenir, la science a revêtu le manteau de la sagesse dont elle a usurpé le nom. C’est ainsi qu’elle engendre l’athéisme.

Que reste-t-il de l’intelligence, puis de l’amour ? Peu de choses pour nourrir le cœur de l’homme, sauf à ce qu’il redécouvre ce qu’il est, puis à sa source l’Être premier, Dieu.

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