Abad : Borne a menti !

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Affaire Damien Abad : Matignon connaissait la teneur des accusations visant le ministre plusieurs heures avant les révélations de Mediapart. Matignon a bien pris connaissance des demandes de Mediapart plusieurs heures avant ses révélations.

« Ça casse un moment important de la rencontre entre Borne et les Français », peste une députée LREM. Avant d’embrayer : « C’est un boulet pour nous ». Ce « boulet », c’est Damien Abad. Révélée dans la soirée du samedi 21 mai par Mediapart, l’affaire qui concerne l’ex-président du groupe LR à l’Assemblée nationale embarrasse au plus haut point la majorité. Car l’ancien parlementaire a fait son entrée au gouvernement en tant que ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, la veille des révélations du site d’investigation. Une première rencontre basée sur un gros mensonge.

Or, Damien Abad a fait l’objet d’une plainte pour viol (douteuse https://fb.watch/ddtkYg1UMf/ ), pour des faits datant de 2011 et classée sans suite en 2017, a révélé Mediapart. L’ex-ténor de la droite est également visé par un autre témoignage, relatant là encore des faits présumés de viol qui se seraient déroulés en 2010.

« Bien évidemment, je n’étais pas au courant.«  En déplacement dans le Calvados où elle est candidate aux élections législatives, Elisabeth Borne s’est exprimée pour la première fois sur cette affaire dimanche 22 mai en fin de matinée. La Première ministre a assuré avoir « découvert l’article de Mediapart » la veille. « Je n’ai pas plus d’éléments que le fait que l’affaire a été classée sans suite », a-t-elle expliqué devant la presse. « Je vais être très claire : sur tous ces sujets de harcèlement, d’agressions sexuelles, il ne peut y avoir aucune impunité », a prévenu la nouvelle cheffe du gouvernement. Matignon est formel : « La Première ministre a été très claire, elle a découvert le détail des faits reprochés à Damien Abad dans l’article de Mediapart. »

Pourtant, un élément important met en doute les affirmations de la Première ministre. Marine Turchi, la journaliste de Mediapart à l’origine des révélations sur Damien Abad,qu’elle a contacté par téléphone le service de presse de Matignon vendredi, en fin de journée. Elle a alors expliqué à son interlocuteur qu’elle terminait une longue enquête sur l’ex-LR. Peu avant 20 heures – à 19h43 précisément –, elle a envoyé un mail à l’adresse presse de Matignon avec plusieurs questions, notamment sur la plainte pour viol déposée en 2017. Sont également évoqués « le comportement de Damien Abad avec des collaboratrices » et une discussion entre lui et un autre responsable des Républicains à ce sujet, en novembre 2020. Des éléments matériels qui, pour Marine Turchi, battent en brèche la version de Matignon.

La journaliste a relancé le service de presse de Matignon, toujours par mail, samedi matin peu avant 10 heures. Mais elle n’a pas obtenu davantage de réponse. Selon nos informations, les mails de Mediapart ont bien été lus par l’entourage de la Première ministre, mis au courant des accusations visant Damien Abad avant la publication de l’article, samedi vers 21 heures.

A quel moment précis Elisabeth Borne a-t-elle été alertée ? Le timing n’est pas clair, mais c’était là aussi avant la publication de l’enquête du média d’investigation.  

En réalité, d’autres alertes concernant Damien Abad semblent ne pas être remontées à Matignon avant cette annonce. L’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique assureavoir envoyé un signalement par mail dès le lundi 16 mai. Selon Fiona Texeire, cofondatrice de cette structure, ce premier courrier a été adressé à plusieurs cadres de la majorité : Stanislas Guerini, délégué général de La République en marche (désormais entré au gouvernement), Christophe Castaner, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, et Bérangère Couillard, députée macroniste de Gironde. Aurélien Pradié, député LR du Lot et secrétaire général du parti, a également été contacté.

« Les victimes nous ont demandé de contacter LR et LREM, Fiona Texeire. On a utilisé les adresses mail de l’Assemblée nationale et on n’a pas reçu de messages d’erreur. » Les entourages des destinataires de ces mails assurent pourtant ne pas avoir reçu ce premier signalement, même après vérification. Trois jours plus tard, jeudi à 14h21, ce premier mail a été transféré sur les adresses électroniques professionnelles de Christophe Castaner, Bérangère Couillard et Stanislas Guerini, ainsi qu’à l’adresse personnelle de ce dernier. « Il n’utilise jamais cette adresse », explique l’un de ses proches.

Ce mail est donc passé totalement inaperçu chez les trois députés de la majorité. Il est par exemple arrivé dans les messages indésirables de la boîte de réception de Christophe Castaner, selon son entourage. 

L’ancien ministre de l’Intérieur n’a finalement découvert l’affaire qu’au travers des questions que Mediapart lui a posées vendredi soir. Le patron des députés de la majorité en a informé le procureur dans la foulée.

Du côté de Stanislas Guerini, c’est sensiblement la même histoire. Le mail, qui cette fois n’a pas atterri dans les spams, n’a été découvert qu’au moment où Mediapart a écrit sur ce sujet à l’ex-patron de LREM, vendredi après-midi. Son entourage argue du fait que ce dernier « reçoit des milliers de mails » et que sa boîte « n’est pas relevée en permanence ». De surcroît, « l’actualité politique était intense durant ces deux jours », poursuit-on, tout en s’étonnant qu’aucun coup de fil n’ait été passé pour s’assurer de la réception du mail.

Enfin, Bérangère Couillard a affirmé ne pas avoir reçu de mail de la part de l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique au sujet de Damien Abad.

Au-delà de ces considérations techniques, la majorité critique la méthode employée par l’association. « Même si on avait vu le mail, ce sont des délais très courts pour répondre, se défend-on dans les rangs LREM. C’est une hypocrisie de dire qu’elles n’ont pas pu avoir de réponse. Et il y avait de toute façon une volonté d’alerter la presse. Le timing a fait l’objet d’une instrumentalisation politique. » 

« Ils sont en train de dire qu’on n’a pas eu la bonne méthode, mais nous aimerions bien qu’il y ait une méthode ! La prochaine fois, on leur enverra un fax », raille Fiona Texeire, qui poursuit : « Il faudrait étendre les missions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pour qu’elle soit contactée pour ces sujets-là. Aux responsables, aussi, de se rendre disponibles et de s’organiser pour écouter les victimes. »

« Ce n’est pas mal fait à mes yeux, mais ce processus pourrait bien sûr être expertisé de l’extérieur », concède une parlementaire, embarrassée par cette affaire : « Même s’il est inacceptable que la présomption d’innocence ne soit pas respectée, (NDLR : C’EST L’AVIS DE BURDIGALA PRESSE) tout le monde aurait préféré se passer de ça… » Chez LREM, on insiste aussi sur le fait que l’affaire Damien Abad n’aurait pas pu faire l’objet d’une saisine de la cellule d’alerte, compétente sur ce genre de faits, car ce dernier n’est pas adhérent du mouvement présidentiel. Adressé vendredi au parquet de Paris par Christophe Castaner, le signalement concernant le nouveau ministre était toujours en cours d’examen, mardi 24 mai.

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