NDLR :La crise viticole actuelle est analysée ici par la Ligue du Midi. Ce constat est parfaitement valable pour nos viticulteurs aquitains . Même si les crises viticoles ont jalonné notre histoire, celle ci présente des caractéristiques spécifiques.
Décidément, l’histoire repasse les plats. Il y a un peu moins d’un an, le samedi 25 novembre 2023, 6 000 viticulteurs et leurs amis venus de tout l’arc méditerranéen manifestaient devant l’Hôtel de ville de Narbonne en présence d’une délégation de la Ligue du Midi derrière sa bannière. Le 19 janvier, le groupe clandestin C.A.V « Comité d’Action Viticole » revendiquait le plasticage à Carcassonne d’un bâtiment de la Dreal (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement). Le rez-de-chaussée avait été partiellement détruit et les vitres soufflées dans l’explosion. Le représentant du personnel CGT soulignait la violence de la déflagration : « C’est un acte destiné à faire peur. Il n’y a pas eu de menace, ni d’avertissement : ça a pété ».
Notons que la Corse n’est qu’à quelques centaines de kilomètres de nos vignes…
Même si on n’en est pas encore à ce niveau de violence insulaire, les départements viticoles d’Occitanie, Hérault en tête, voient se multiplier les coups de mains : radars fixes bâchés, banques taguées ainsi que la MSA (Mutualité Sociale Agricole) qui ne « laisse pas sa part aux pauvres » en période de troubles.
Alors que la période des vendanges s’achève, les vignerons des IGP du Languedoc-Roussillon, en rouges, font état d’une situation catastrophique. Avec une baisse de production qui va de -20 % à -50% dans la Vallée du Rhône (sécheresse dans l’Aude et pluie dans le Gard synonyme de Mildiou -on croirait redécouvrir les sept plaies d’Egypte-). De gros bataillons de viticulteurs tablent désormais sur la prime à l’arrachage pour s’en sortir, et pas seulement ceux qui approchent de l’âge de la retraite. Tout le monde sait que la quantité de vin sur la région a beaucoup diminué ces dernières années. La production en Occitanie a été divisée par trois depuis 30 ans.
On est, cette année, sur la deuxième plus petite récolte jamais connue dans notre région. La qualité du vin est là mais les volumes s’étiolent au fil des ans.
La Coordination rurale (syndicat 100% paysan) prône:
1-un arrachage temporaire avec l’impossibilité de replanter pendant cinq ans, mais avec le maintien des droits de plantation qui seraient gérés à l’échelle de chaque bassin viticole, ceci avec l’objectif double de retirer dans les deux ans 100 000 ha à l’échelle nationale afin de soulager les marchés, d’une part, tout en maintenant le potentiel viticole par la perspective d’une reprise future, d’autre part.
2-Un montant d’une aide de 10 000 euros par ha permettant de remplir également un objectif double en donnant la possibilité aux exploitations les plus en difficulté de partir dignement ou de se reconvertir et avoir un effet choc sur les volumes disponibles et sauver le reste de la filière.
Les marges fondent et ne sont plus là aujourd’hui. Si le prix du vin n’augmente pas, on va devoir faire face à des faillites nombreuses. Or, toute demande de hausse des prix est systématiquement refusée par les négociants et grossistes qui tirent les prix vers le bas. Il faut bien engraisser les actionnaires et membres des conseils d’administration… Mais malheureusement les charges ne suivent pas le même chemin. On connait tous, le système pernicieux dit « des ascenseurs ». Surtout quand vient se surajouter la baisse de production qui amplifie le phénomène en ne permettant plus d’absorber les charges fixes. Plus de charges, des prix à la baisse et moins de production, c’est cette équation infernale que les viticulteurs de toute la région tentent aujourd’hui de résoudre.
Rajoutons à ce panorama, guère réjouissant, que les enseignes de distribution ont vu leurs ventes de vin chuter ces dernières années. En France, la consommation de vin recule… au bénéfice, des alcools forts, des sodas, bières, prémiums et autres boissons exotiques. La Ligue du Midi dénonce ce phénomène et a interpelé les parlementaires occitans depuis sa création.
L’enveloppe de 120 millions d’euros qui vient d’être acceptée par l’U.E est présentée par la FNSEA (syndicat de la cogestion proche des multinationales de l’agro-alimentaires et autres) au monde viticole comme une victoire. Cette enveloppe est une demi-mesure et ne résoudra en rien la crise qui secoue le monde viticole ; les 4 000 euros/ha ne seront pas suffisants pour faire partir dignement les vignerons qui sont au bord du dépôt de bilan… D’autant que l’arrachage n’est pas une opération gratuite qui coûte en main-d’œuvre et en trésorerie…
N’oublions pas que la viticulture est un des piliers de l’économie régionale. Ces difficultés traversées par la filière pourraient jeter un coup de froid sur l’économie d’Occitanie, la première région viticole de France. Avec un chiffre d’affaires annuel de deux milliards d’euros, le secteur est avec l’aéronautique, le pilier de l’économie régionale.
La crise viticole touche, bien sûr, les viticulteurs, mais également le peuple d’Occitanie tout entier (familles, amis, voisins, sous-traitants, fournisseurs…) ; l’arrachage forcé de la vigne est un véritable crève-cœur pour la profession…
Avec la Ligue du midi, soyons tous solidaires La vigne c’est aussi notre identité !