Le drapeau européen placé sous l’Arc de Triomphe à l’occasion de l’ouverture de la présidence française du Conseil de l’Union européenne a été retiré dans la nuit de samedi à dimanche. Valérie Pécresse, adversaire de comédie du président, avait demandé « solennellement » à Emmanuel Macron de remettre le drapeau tricolore à côté de celui de l’Europe. Analyse.
On aura tout vu, tout entendu. Les députés Les Républicains et ceux de La République en Marche sont entrés dans une ignoble compétition. C’est à qui désignera avec le plus de virulence le responsable de l’échec de la vaccination. Car ce n’est ni le vaccin, ni l’incompétence du ministère de la Santé, ni la corruption de l’industrie pharmaceutique, ni l’interdiction faite aux médecins de soigner, ni le somnambulisme d’une opposition complice ; le coupable, Macron l’a dit, c’est le non-vacciné, ce maudit animal, ce pelé, ce galeux…
Celui qui hier s’est cru « puissant » avec sa deuxième dose, se voit aujourd’hui « misérable » devant l’obligation d’une troisième injection suivie bientôt d’une quatrième. Devant la colère populaire et l’insuffisante efficacité de la vaccination, le gouvernement israélien a dû faire marche arrière et suspendre l’injection d’une quatrième dose.
Mordre sur l’électorat de son faux adversaire
En France, il y a cette année une élection présidentielle, suivie des élections législatives. La stratégie d’Emmanuel Macron n’est pas encore totalement arrêtée. Utiliser la crise sanitaire à son profit ? Faire de la présidence européenne un atout supplémentaire ? La partie s’annonce difficile et n’est pas gagnée.
Mettre les Français sous le joug d’un nouveau confinement qui justifierait la restauration du vote par correspondance, continuer de jouer sur la peur, imposer avec le passe vaccinal le port du masque en extérieur, sont les armes de la nouvelle panoplie du président-candidat. Si Napoléon faisait « les plans de ses batailles avec les rêves de ses soldats endormis », Emmanuel Macron fait ses petits calculs avec les craintes d’un électorat sur lequel son adversaire de comédie, Valérie Pécresse, entend mordre suffisamment pour être au second tour.
L’Arc de Triomphe contraint de faire campagne pour Macron
Le hasard du calendrier offre au président sortant ce qu’il croit être un avantage. N’ayant pas su durant son mandat être un chef d’État à la hauteur des difficultés intérieures et des enjeux extérieurs, il entend mettre dans la tête des Français que leur véritable patrie, c’est l’Europe ! Il est important pour lui que son électorat continue de se persuader avec autant de mauvaise foi que d’aveugle confiance que leur chef n’a nullement démérité. Il y eut simplement maldonne. Pourquoi l’avoir attendu sur le règlement des problèmes des Français alors qu’il avait fait jouer l’hymne européen le soir de son élection ? Ce n’est donc pas aujourd’hui qu’il faut le juger. Il lui faut cinq ans de plus. D’où cet immense drapeau européen ondulant sous l’Arc de Triomphe. En ayant pris cette initiative sacrilège trois mois après avoir fait empaqueter le monument par le fantôme de Christo, Emmanuel Macron montre aux Français que la politique n’est, à ses yeux, que communication. Aussi ce coup de com’ avec le drapeau européen se retourne-t-il déjà contre lui. L’idée européenne dévoyée dans l’oubli des nations et le mépris des peuples est une imposture qui va de pair avec celle de l’art contemporain.
Les amis de Pécresse au sénat, pires que Macron !
Valérie Pécresse s’est engouffrée dans la brèche sans attendre. « Présider l’Europe oui, effacer l’identité française non ! », a-t-elle lancé. Quelle pitoyable comédie ! En 2008, à la veille de la présidence française de l’Union européenne – elle était alors ministre de Nicolas Sarkozy –, ses amis sénateurs ne s’étaient pas gênés pour refuser d’installer le drapeau de la nation dans l’hémicycle du Sénat comme le proposait un des leurs. Voici l’argument cousu de fil blanc que le président (UMP) de cette Chambre utilisa pour motiver son refus : « Au terme d’un échange de vues approfondi et ouvert, le Bureau a décidé de ne pas donner suite à [votre] proposition. Il est en effet apparu que (…) les conditions d’une quasi-unanimité requises par une initiative aussi symbolique n’étaient pas réunies. C’est en espérant que vous comprendrez cette décision, qui s’inscrit dans le contexte de la prochaine ouverture de la Présidence française de l’Union européenne, que je vous prie de croire, cher collègue… »
Eh bien non, quatorze ans plus tard, cette mise sous le boisseau du drapeau français n’est toujours pas compréhensible… ou ne l’est que trop. Cela fait en effet des années que l’Europe est le cheval de Troie d’une droite (plus fédéraliste que gaulliste) qui l’a introduit au cœur de la souveraineté française pour, de l’intérieur, en venir à bout. Ce refus de pavoiser l’hémicycle aux couleurs de la France s’inscrivait dans la même vision post-nationale que la décision prise par les parlementaires de ne pas tenir compte du « non » au référendum de 2005 et de ratifier le traité de Lisbonne de 2009. Il faudra attendre 2015 pour que nos couleurs soient installées dans l’hémicycle du sénat. Elles le seront dans la plus grande discrétion, à la faveur d’un subterfuge, et accompagnées des inévitables couleurs de l’Europe qui veille comme une duègne sur la France.
Valérie Pécresse : moi aussi, je suis la candidate du multiculturalisme
« Présider l’Europe oui, effacer l’identité française non ! », c’est la candidate des Républicains qui parle. C’est elle, Valérie Pécresse, qui joue désormais la vestale du temple, la même qui en janvier 2010, en plein débat sur l’identité nationale, ne se gênait pas pour signer aux côtés de Rama Yade et de Rokhaya Diallo un appel « pour une république multiculturelle et post raciale ». Tout cela fleure l’escroquerie politique.
Le cynisme est un métier. Si Valérie Pécresse est animée par un opportunisme qui n’a rien à envier à celui de Macron, ce dernier a, sur sa fausse adversaire, un certain avantage. Comme elle, il dit une chose et son contraire, mais n’attend pas douze ans. Il ne retourne pas sa veste : il la tombe pour que chacun puisse voir en même temps l’endroit et l’envers du personnage. Il est président de tous les Français mais ne se prive pas d’en humilier régulièrement un certain nombre.
Quand les Français comprendront-ils que cette manière de faire est de la même veine que l’humiliation publique du chef d’État-Major des armées, que la vulgarité de sa fête de la musique en bas résille, que les photos prises aux Antilles, les galipettes sur la pelouse de l’Élysée, la gifle du contrat australien sur les sous-marins ou la séance d’autosatisfaction devant deux journalistes d’une complaisance indécente ? C’est notre pays que Macron dégrade avec un plaisir pervers. Et il en jouit sous les yeux d’une candidate secrètement admirative de ses coups de com’ et qui, à défaut de pouvoir s’asseoir demain dans son fauteuil, se verrait bien assise à Matignon.