Un gouvernement de désunion nationale !

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241015Quinze jours à peine auront suffi pour que tout le monde puisse comprendre la composition et la nature exactes de l’équipe ministérielle.En apparence, elle est dirigée par l’honorable M. Michel Barnier, l’habile et courtois négociateur du Brexit ayant obtenu le nihil obstat sinon le blanc-seing provisoire du Rassemblement national.

Au gouvernement, l’article 20 de la Constitution attribue en principe le pouvoir de « déterminer et conduire la politique de la Nation, disposant pour cela de l’administration et de la force armée. » La théorie du domaine réservé n’a jamais été écrite, n’ayant guère été affirmée qu’en 1959, lors du congrès de l’UNR, parti gaulliste se disant lui-même « inconditionnel ».

En réalité la nomination des ministres est régie par l’article 8. Beaucoup moins souvent cité, il n’a vraiment joué son rôle qu’une ou deux fois en quelque 60 ans. « Le président de la république nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions. » À la marge, certains se souviendront que François Mitterrand a négocié, en son temps, la présence de tel ou tel dans un gouvernement de cohabitation.

Or, pour la première fois, la présidence, si clairement désavouée pourtant par le suffrage universel, n’a guère concédé que deux ou trois portefeuilles à ses anciens opposants, ralliés malgré eux à la nouvelle combinaison. Il s’est employé à les transformer, sans doute contre leur volonté, en auxiliaires de la Macronie. Même le directeur de cabinet du chef de gouvernement, Jérôme Fournel, a été choisi parmi le petit groupe technocratique que Le Monde désigne comme la « bande des quatre », pilotés par Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée. « Sous Emmanuel Macron, notait ainsi Nathalie Segaunes dans l’édition du 21 septembre, les ministres changent, la ‘bande des quatre’ reste aux commandes de l’État… » car « depuis 2017, trois hauts fonctionnaires, Emmanuel Moulin, Bertrand Dumont et Jérôme Fournel, se partagent les avant-postes de la haute administration. Proches du puissant secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, ils assurent la continuité de la politique économique. »

Au bout du compte, Macron a bel et bien pu imposer pour ce pâté d’alouette la recette bien connue : un cheval macronien, et même une écurie entière, une alouette.

Nous sortons ainsi, après une dissolution décidée si follement, d’une série de séquences, au terme de sept années de services présidentiels, que l’on éprouverait beaucoup de mal à devoir qualifier de bons et encore moins de loyaux.

On doit donc, bien évidemment, douter de la pertinence et de la compétence du squatteur de l’Élysée, comme de son entourage. Le recul et le discrédit de la France sur tous les continents, en Afrique comme en Océanie, en Amérique latine ou au Proche Orient comme en Europe, sont devenus désormais, hélas, trop évidents pour qu’on éprouve ici le besoin de s’y attarder sans souffrance.

On doit cependant reconnaître à ce personnage toxique une habileté manœuvrière, et même une sorte de double génie : celui de la division et de la destruction.

Il reproduit à lui seul un résumé des troisième et quatrième république, dont ses virevoltes, ses « quoi qu’il en coûte » et ses « en même temps » reconstituent les crises ministérielles de jadis, celles dont on pensait être débarrassé depuis 1958, par l’avènement de la cinquième.

Son système de double jeu n’est que trop évident.

Pour ne citer qu’un exemple parmi d’autres, on rappellera l’emblématique et coûteuse affaire Nahel qui se traduisit par des émeutes, au cours desquelles, selon le rapport sénatorial qui suivit, 872 policiers furent blessés et un milliard de dégâts aient été commis, le chef de l’État lui-même ayant légitimé quasiment la révolte. Moyennant quoi, le même personnage osait se réclamer de « l’ordre, l’ordre, l’ordre » sur France 2 et TF1 le 24 juin. Après quelques jours de violences urbaines encouragées par ses premiers propos, il philosophait ainsi : « notre pays a besoin d’un retour de l’autorité à chaque niveau, et d’abord dans la famille. »

On ne s’attardera ici à s’interroger sur ce que M. Macron entend par l’ordre « dans la famille ».

On se bornera à mesurer son talent de diviseur.

Les élections des 30 juin et 7 juillet ont permis d’atteindre, parmi les 577 députés, le nombre record de 11 groupes parlementaires aux stratégies rivales, le gouvernement ne disposant du soutien de 211 parlementaires seulement, divisés en 4 groupes : 95 EPR dirigés par Attal et Darmanin, les arrogants vaincus ; 47 DR ; 36 centristes ; et 33 Horizons conduits par l’ex-rocardien, l’ex-LR, ex-macronien Edouard Philippe. Face à eux, 7 groupes d’opposition se répartissant 355 députés, répartis entre 125 RN, 71 LFI, 66 socialistes, 38 écolos, 22 LIOT, 17 GDR apparentés communistes, 16 UDR nouvelle appellation des amis d’Éric Ciotti, plus des divers et autres non-inscrits.

La division est donc partout. Les ministres s’opposent à leur propre gouvernement et se contredisent entre eux, publiquement, jour après jour, sur le prix du gaz comme sur le maintien de l’ordre et l’immigration illégale, sur la part fiscale des mesures de redressement financier, etc.

Il en résulte un éparpillement « façon puzzle » – à faire pâlir les glorieux Tontons flingueurs et l’inoubliable Bernard Blier interprétant les dialogues de Michel Audiard : « Je vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu’on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon Puzzle. Moi, quand on m’en fait trop je correctionne plus : je dynamite, je disperse, je ventile! »

Inégalé depuis 1963, le record est en passe d’être battu par notre inégalable président, diviseur de tous les Français.

Macron a inventé une formule inconnue jusqu’ici, celle d’un gouvernement de désunion nationale. Il faudra qu’il songe à la faire breveter.

JG Malliarakis 

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