Accidents du travail en chaine à Bordeaux

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Mort d’un ouvrier sur un chantier à Bordeaux : « Il faut stopper l’hécatombe »

L’employeur de Steven Jaubert, mort après un accident du travail à Bordeaux, était jugé le 24 avril pour homicide involontaire. Ce procès renvoie à la forte mortalité dans le BTP à Bordeaux.

À 27 ans, il allait être père pour la première fois mais le destin en a décidé autrement. Steven Jaubert est mort en septembre 2020 suite à un accident du travail lors d’un chantier de couverture, sur un garage du quartier Nansouty à Bordeaux. Le toit du parking s’est effondré sous ses pieds et le ciel est tombé sur la tête de ses proches. Depuis, sa famille réclame à la justice des réponses.

Près de trois ans après son décès, l’employeur du défunt se retrouvait ce lundi 24 avril 2023 devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. Jennifer Martin, la représentante morale de la société P. Gilbert basée à Villenave d’Ornon, était jugée pour homicide involontaire. La cheffe d’entreprise est accusée d’avoir « manqué à ses obligations relatives à la sécurité de ses salariés » et d’avoir, ainsi, causé involontairement la mort de Steven Jaubert.

Ce drame dépasse largement la sphère familiale du défunt, que sa mère a décrit comme « un bon vivant, quelqu’un qui aimait la vie », lors d’une prise de parole, avant le début du procès. En effet, selon les chiffres du ministère du Travail et de l’Assurance maladie, les accidents du travail tuent plus d’un demi-millier de salariés par an.

Une délégation de la CGT du secteur Construction, Bois et Ameublement était présente au côté de la famille devant le tribunal. La fédération s’est portée partie civile dans ce procès « pour que l’hécatombe soit stoppée ». 

La mort de Steven nous ramène au terrible constat des accidents de travail dans le BTP, où près d’un salarié par jour travaillé meurt (ndlr : ce qui ferait plus de 200 morts mais les chiffres fluctuent à la baisse selon les sources et/ou les années), où un salarié sur 18 est victime d’un accident du travail chaque année, où un salarié est victime d’un accident toutes les deux minutes.

Un représentant syndical de la CGT : « Non, la mort de Steven n’est pas la faute à pas de chance ! Non, nous ne pouvons pas ne rien y faire », pointait la CGT Construction, Bois et Ameublement, par la voix d’un porte-parole. À qui revient la faute alors ? Le poids de la réponse – et ses conséquences – était sur les épaules de Denis Roucou, président du tribunal correctionnel de Bordeaux.

La tâche n’était pas aisée tant l’enquête a été « mal faite ». Le jour de l’accident, le 17 septembre 2020, les services d’enquête n’ont pas procédé à des constatations sur place pour savoir notamment s’il y avait des casques et des harnais à disposition dans le camion de l’entreprise. Un constat d’huissier du véhicule a été effectué… en mars 2023 ! Difficile donc d’y apporter un quelconque crédit.

Et l’inspection du travail a été alertée le 25 septembre, soit huit jours après l’accident et le lendemain du décès de Steven Jaubert, qui est mort au CHU de Bordeaux après avoir passé une semaine dans le coma. Quand l’inspecteur du travail est arrivé sur place, le chantier était désert et il n’a pas pu monter sur le toit. « Il y a des manques importants dans ce dossier », a logiquement souligné Denis Roucou.

La sœur du couvreur, qui est décédé à 27 ans d’une chute de 5 mètres, estime que l’entreprise est responsable.

Selon l’inspecteur du travail, qui en a fait la démonstration à la barre, les dispositifs de sécurité prévus par le Code du travail n’étaient pas respectés sur le chantier. Aussi, il s’est interrogé sur l’absence d’actions de prévention faites par l’entreprise auprès de ses salariés. « Il vous semble ? », l’a alors coupé Christian Biais, l’avocat de la défense.

« Certes, un accident peut toujours arriver mais lorsque toutes les conditions sont réunies pour cet accident, il ne faut pas s’étonner », avait plaidé de son côté Christophe Dubarry, l’avocat de la famille.

La procureure de la République a été du même avis. « Nonobstant les carences de l’enquête, les faits caractérisent clairement un homicide involontaire », s’est exprimée Perrine Lannelongue, qui a requis une amende de 50 000 euros pour manquement aux obligations de sécurité du salarié, ainsi qu’une parution et un affichage de la décision de justice.

De son côté, l’avocat de la défense a demandé la relaxe : « Avec son collègue Nathaniel Créthers, ils ont pris l’initiative de monter sans harnais sur le toit alors qu’ils connaissent l’obligation de le porter. C’est écrit dans leur contrat de travail. La cheffe d’entreprise ne peut pas toujours être derrière eux. Quand je monte dans ma voiture, je porte ma ceinture de sécurité, je n’attends pas que le constructeur m’impose de la porter. »

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