Incohérences explosives !

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Depuis plusieurs jours, et singulièrement depuis le discours de politique générale du 6 juillet, les institutions semblent retourner aux équilibrages initiaux prévus pendant l’été 1958.

Jusqu’en 1962 en effet, jusqu’à la réforme de l’article 7 instituant l’élection du président au suffrage universel direct, la constitution de la cinquième république s’est conformée, au moins formellement, aux principes de la démocratie parlementaire, de la séparation des pouvoirs et de la responsabilité ministérielle. Mais depuis 60 ans les Français avaient pris le chemin de l’habitude inverse. Durant toute cette période, et de plus en plus, le pouvoir réglementaire très extensif de l’article 37 a tout permis.

Les lois étaient rédigées par une administration toute-puissante, système que le langage courant appelle, de façon presque élogieuse, « technocratie » exercée par les « élites ». Les chambres, dédaignées parce qu’issues du bas peuple et des petits notables, ne semblaient plus vouées qu’à l’enregistrement de leurs oukases. Leurs débats occupaient de moins en de place dans les journaux.

Or, en cet an de grâce 2022, le double scrutin, présidentiel en avril puis législatif en juin, a changé entièrement la donne. Les cartes sont entièrement redistribuées.

On a vu en effet, d’abord, le chef de l’État ne plus recueillir les voix que de 12 % des électeurs inscrits, ce qui rend complètement invalide la théorie gaullienne énoncée à Bayeux en 1946 de l’accord entre le pouvoir exécutif d’État et « le peuple dans ses profondeurs ». (1) Quelques jours plus tard, les 3 partis d’opposition ont pu obtenir, au-delà de la plupart des prévisions, la majorité des députés, eux-mêmes scindés en 10 groupes. (2)

Nous entrons donc dans l’ère de l’incohérenceCeci nous amène à entrevoir ce que signifiera, de façon presque inéluctable, le retour aux types de débat qu’ont connues les défuntes troisième et quatrième républiques.

Ce même 6 juin, on assistait aussi au retour des bonnes vieilles habitudes de grèves à la SNCF.

Or, des décisions qui paraîtront impopulaires devront être prises, car la principale toile de fond de nos crises et de nos affrontements résulte du délabrement des finances publiques.

Il ne s’agit pas de prétendre ici que tout s’explique par le désordre budgétaire et monétaire.

Si M. Darmanin avait dit la vérité sur les violences scandaleuses du Stade de France, si on envisageait de soutenir, dans les médias comme dans les tribunaux, les forces de l’ordre plutôt que les voyous, cela ne pénaliserait pas d’un centime les comptes publics. Au contraire la simple lutte contre la fraude, l’application du code pénal, la fin de l’assistance médicale d’État dont bénéficient les illégaux, etc., sans résoudre vraiment les déséquilibres structurels profonds de nos finances publiques tendraient plutôt à en diminuer les déficits.

Mais il importe d’abord de voir la vérité en face. Nos dirigeants disposent de tous les moyens de savoir que, désormais, le compte à rebours de la déconfiture nationale a commencé. Toute leur politique, y compris évidemment quand il s’agit des retraites, y compris quand on parle des moyens affectés à la défense nationale ou à l’hôpital public, tourne autour du niveau d’endettement du pays.

Quand le président prétend écarter désormais le recours au déficit ou à l’emprunt, il ne pense probablement pas à autre chose.

Quand le ministre Attal remarque que la seule augmentation des intérêts de la dette, hausse chiffrée à 17 milliards d’euros, représente deux fois le budget de la justice, il reconnaît à sa manière que de tels trous dans la raquette paralysent les fonctions régaliennes de l’État, parents pauvres du budget. « En même temps », ministre des Comptes publics, il se précipite pour annoncer 20 milliards de dépenses nouvelles supposées adoucir les conséquences de l’inflation, ce qui aura pour effet de l’aggraver.

L’incohérence est devenue explosive.

JG Malliarakis

(1) Faut-il rappeler à ce sujet que lorsqu’il se vit mettre en minorité, en 1969, le fondateur de la cinquième république démissionna de ses fonctions ?
(2) Au lendemain du 24 juin, on prévoyait la formation de 9 groupes parlementaires à l’Assemblée, la fameuse « NUPES » ne fonctionnant que comme un « intergroupe », voué à l’éclatement. Socialistes, communistes et écolos ont vite marqué leur autonomie face au « dictateur » Mélenchon et à ses prétendus « insoumis ». Idem pour le MODEM et « Horizons » par rapport aux macroniens de stricte obédience. Depuis un 10e groupe est encore apparu le 28 juin. Intitulé « Libertés, indépendants, outre-mer, territoires », il rassemblait au départ 15 membres. Au bout du compte, jamais l’Assemblée n’a compté autant de groupes parlementaires.

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