Le pacte germano-soviétique, sujet tabou mais essentiel pour comprendre notre vie politique.

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L’accord établi entre l’Allemagne nazie et l’URSS communiste est signé le 24 août 1939 à Moscou. « Pacte germano-soviétique »[1] ou « Traité de non-agression entre l’Allemagne et l’URSS ».

Cet accord intervient dans un contexte particulier. Quelle est la situation géopolitique de l’époque ?

  • La guerre d’Espagne oppose les républicains espagnols aux forces de Franco, mais cette guerre est également un indicateur du niveau des forces armées et industries militaires de l’Allemagne et de l’URSS, avec un avantage à celles du Reich. Ainsi cet épisode instruit l’URSS sur sa faiblesse, ce qui conditionnera la suite des évènements.
  • Dans les années 30, l’URSS échoue dans son projet diplomatique de créer une alliance antifasciste avec le Royaume-Uni et la France[2].
  • Le 30 septembre 1938 sont signés les accords de Munich par la France (Daladier) et le Royaume-Uni (Chamberlain) d’une part, et l’Allemagne nazie (Hitler) et l’Italie (Mussolini) d’autre part, permettant aux forces armées du Reich d’annexer la région des Sudètes[3] en Tchécoslovaquie.

Le Pacte infâme

Le chancelier allemand annonce son intention d’envahir la Pologne fin août 39 et propose à Staline la signature d’un pacte de non-agression entre les deux puissances qui sera validé le 24 août. Ce Pacte est la traduction officielle des négociations.

Mais d’autres accords secrets[4] organisaient les sphères d’influence et le partage des territoires conquis par les deux contractants : Scandinavie, Pays Baltes, Pologne, Roumanie, Finlande après l’invasion de la Pologne en septembre par les deux belligérants alliés pour la circonstance. En application de ces traités secrets l’Allemagne s’engageait à livrer les réfugiés Russe dissidents au NKVD[5] et en réciprocité l’URSS les nombreux réfugiés antifascistes aux autorités allemandes.

Cette alliance permettait aussi à Hitler de concentrer sur le front ouest toutes ces forces, le front est étant superflu à la suite de cet accord. L’avantage essentiel du Pacte pour les nazis, selon Hitler lui-même, était que « tranquille » à l’est, il pouvait utiliser tout son potentiel militaire à l’ouest.

Au mois de mai 40, suite à la ruée des troupes nazie en France, notons la réaction soviétique dans les colonnes de LA Pravda : « On voit clairement maintenant de quelles responsabilités se sont chargés les impérialistes d’Angleterre et de la France en rejetant les propositions de paix de l’Allemagne, et par-là même, en déchaînant une nouvelle guerre impérialiste ».

Les réactions en France. La position du PCF face au Pacte

Le Parti Communiste français inféodé à Moscou soutient fermement ce Pacte. L’Humanité du 25 août titre à la « une » : « L’action de l’Union soviétique par le Pacte de non-agression avec l’Allemagne concourt à raffermir la paix générale ». Toutes les instances et organisations locales communistes, des jeunes aux municipalités rouges sont mobilisées et approuvent sans aucune réserve « la politique de fermeté et de paix menée avec clairvoyance par le grand parti bolchevique et son génial chef Joseph Staline. »

Pour autant, la position des instances du PCF est difficile à avaler pour certains militants communistes. « Un député de la Dordogne, à la première réunion du groupe le 25 août, Gustave Saussot propose qu’une délégation intervienne auprès de l’Ambassade soviétique pour que le Kremlin fasse une déclaration officielle s’engageant à rejoindre le camp des démocraties occidentales dans un conflit armé au cas ou un mauvais coup se produit à Dantzig »[6]. Thorez réagit très brutalement en le traitant de traitre. Saussot démissionne du parti communiste avec 4 autres membres.[7] Ces « renégats » affirment dans une déclaration d’octobre 40:… « nous condamnons le Pacte germano-soviétique qui a permis l’agression nazie contre la Pologne, entraînant les démocraties anglaise et française dans un conflit sanglant »[8].

Dès la signature de l’armistice, le PCF se préoccupe de recouvrer sa totale liberté de manœuvre en France et d’utiliser le journal communiste « L’Humanité » à la cause de l’occupation, donc, pour les communistes, de la paix. Dans sa missive aux autorités d’occupation, les responsables du parti « estiment l’avoir mérité, en raison de leur action passée. Ils rappellent leur hostilité au traité de Versailles, à l’occupation de la Rühr, leur approbation sans réserve du Pacte germano-soviétique »[9]. La vérité par les écrits et les faits.

Le 1er juillet 40, quelques jours après l’Appel du 18 juin du général de Gaulle, L’Humanité insiste : « Le général de Gaulle et autres agents de la finance anglaise voudraient faire battre les Français pour la cité, et ils s’efforcent d’entrainer les peuples coloniaux dans la guerre. Les Français répondent le mot de Cambronne à ces Messieurs ; quant aux peuples coloniaux, ils pourraient bien profiter des difficultés que connaissent leurs oppresseurs pour se libérer ». Trahison. La vérité par les écrits et les faits.

« Union populaire Française » et « Groupe ouvrier et paysan français »

Suite à la position du PCF, le gouvernement d’Edouard Daladier dissout le parti communiste et interdit la parution de L’Humanité : « Article premier. Est interdite, sous quelque forme qu’elle se présente, toute activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d’ordre émanant ou relevant de la Troisième internationale communiste ou d’organismes contrôlés en fait par cette Troisième internationale. » (27 septembre 39)

La décision gouvernementale ne fait nullement référence au groupe parlementaire. De ce fait les premiers dissidents communistes créent un nouveau groupe intitulé « Union populaire Française » auquel se joignent, entre septembre 39 et janvier 40, 17 autres parlementaires : René Nicod, Marcel Caprou, Emile Jardou, Lucien Raux, Emile Fouchard, Fernand Valat, Alfred Daul, Jean-Marie Clamamus, Roger Beneson, Sulpice Dewez, Adrien Langumier, André Pascal, Darius Le Corre, Maurice Honel, Armand Pillot, Léon Pinginnier.

Les Autres 44 députés communistes favorables au Pacte se retrouvent au sein du Groupe ouvrier et paysan jusqu’au 21 janvier 1940, date à laquelle est votée par l’Assemblée nationale et le Sénat la déchéance des députés qui n’ont pas rompu avec le PCF. Sans tous les citer, retenons quelques-uns qui seront déportés et emprisonnés en Algérie jusqu’en 1943[10] : François Billoux, Florimond Bonte, Ambroise Croizat, Antoine Demusois, Etienne Fajon, Jacques Grésa, Pierre Lareppe, Georges Lévy, Lucien Midol, Arthur Musmeaux, Albert Petit, Louis Prot, Waldeck Rochet, André Mercier…

La rupture de l’alliance Allemagne – URSS

Ce Pacte prend fin le 22 juin 1941, du fait de la décision d’Hitler d’attaquer l’URSS en déclenchant l’opération Barbarossa[11]. C’est à partir de cette date que le mouvement communiste entre en résistance totale aux puissances de l’axe.

L’URSS rejoint alors le camp allié.

De Gaulle unifie la France

Dès 1942, le général de Gaulle décide de regrouper toutes les sensibilités politiques au sein du CNR[12]. Il confie cette mission à Jean Moulin. Outre les mouvements de résistance, sont représentés les deux syndicats CGT et CFTC et les partis politiques PC, SFIO, radicaux, démocrates-chrétiens, Alliance démocratique et Fédération républicaine, soit la droite et la gauche confondues, comme le souhaitait de Gaulle.

Le 3 juin 1943 est créé le CFLN[13] à Alger, qu’il convient de considérer comme l’ancêtre du Gouvernement Provisoire de la République Française du général de Gaulle.

En novembre 43 le général met en place l’Assemblée Consultative provisoire qui vivra jusqu’à l’élection législative de 1945. Les membres sont désignés par les différentes organisations. Ainsi, on y retrouve certains ex députés communistes libérés en 1943 : Ambroise Croizat[14], André Mercier. Un cas particulier que de Gaulle accepte au nom de l’unité nationale indispensable à la libération de la France : Maurice Thorez.

Mobilisé en septembre 1939, Thorez rejoint Moscou le mois suivant. Il est condamné alors à 6 ans de prison pour désertion en temps de guerre, déchu de la nationalité française en février 1940. Il revient en France en novembre 44, gracié par le général de Gaulle. Il récupère la nationalité française, il poursuivra sa carrière politique jusqu’en 1964 comme Secrétaire général du PCF.


[1] Ce Pacte est signé par les Ministres des Affaires étrangères respectifs, Joachim Von Ribbentrop pour l’Allemagne et Viatcheslav Molotov pour l’URSS. Staline présent lors de la signature déclare : « Je sais combien la nation allemande aime son Führer, c’est pourquoi j’ai le plaisir de boire à sa santé » et jure « sur sa parole d’honneur que l’Union soviétique ne trahira pas son partenaire ».
[2] Staline impose une condition : pouvoir occuper les Etats Baltes et la Bessarabie.
[3] Population importante d’origine allemande
[4] Ils seront dévoilés en 1992 après avoir été niés pendant plusieurs décennies par L’URSS et le mouvement communiste international.
[5] « Commissariat du peuple aux Affaires intérieures ».
[6] « Les trahisons des communistes – 1939-1972 » de Daniel Peyrac.
[7] Paul Loubradou (Dordogne), Jules Fourrier (Paris), Marcel Brout (Paris) et Gilbert Declercq (Nord).
[8] Le 17 septembre 39 au matin, l’Armée Rouge franchit la frontière polonaise : la complicité de Staline et de Hitler est ainsi démontrée aux yeux de tous.
[9] « Les trahisons des communistes – 1939-1972 » de Daniel Peyrac.
[10] Ils seront libérés après le débarquement allié en Afrique du Nord par les résistants gaullistes.
[11] L’opération Barbarossa désigne l’invasion du 3ème Reich de l’URSS à partir du 22 juin 1941 créant ainsi un deuxième front qui sera déterminant dans la défaite d’Hitler.
[12] Conseil National de la Résistance.
[13] Comité Français de Libération Nationale
[14] La propagande communiste affirme toujours depuis 78 ans qu’Ambroise Croizat est l’initiateur de la Sécurité Sociale pour tous en 1945. Rétablissons les faits. Ce projet figure dans le programme du CNR. S’il est vrai qu’Ambroise Croizat a pu participer aux travaux, avec bien d’autres membres de l’Assemblé consultative provisoire, c’est le général de Gaulle (sur proposition de son ministre Alexandre Parodi) qui valide les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 qui instaurent la généralisation de la Sécurité sociale. C’est ultérieurement qu’Ambroise Croizat, ministre du gouvernement De Gaulle II, mettra en œuvre ce qui est précisé dans les ordonnances du général.

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