Chaque jour, un agriculteur français se suicide. Dans l’indifférence générale. Nos agriculteurs s’épuisent à la tâche pour des revenus de misère. Emprunts, normes environnementales kafkaïennes, fiscalité confiscatoire, contrôle inquisitorial de l’administration qui les contraint à consacrer près du tiers de leur temps à remplir des paperasses ou à payer des comptables pour les remplir… Tout est fait pour décourager les agriculteurs installés et, pire encore, les jeunes qui désireraient en faire leur métier.
D’ici à 2030, la moitié des chefs d’exploitations agricoles partiront à la retraite, vraisemblablement sans être remplacés. Le grand public français ne réalise pas encore la catastrophe qui se profile à brève échéance.
En 20 ans, la France est passée du 2e rang au 5e rang des pays exportateurs de produits agricoles. Un rapport sénatorial publié le 28 septembre 2022 s’inquiète de la baisse du potentiel agricole français malgré une balance commerciale excédentaire de 8 milliards d’euros en 2021. La France importe près de 63 milliards d’euros de denrées alimentaires, soit 2,2 fois plus qu’en 2000.
En cause – ce que ne dit pas le rapport… – la politique de libre échange imposée par l’UE, qui met en concurrence nos agriculteurs avec ceux de pays qui n’exigent pas les mêmes normes environnementales ou sociales. L’accord de libre-échange avec le Mercosur serait ainsi une véritable catastrophe pour notre agriculture.
L’entrée à terme de l’Ukraine dans l’UE sonnerait le glas des céréaliers français. Valeurs actuelles égrène à ce propos les sept plaies d’Égypte : « les incohérences du plan Écophyto d’alternatives aux pesticides, le futur règlement SUR (pesticides) de la Commission européenne, l’accord avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) qui favorise les importations, le financement de la transition énergétique dans l’éolien, la biomasse, le solaire… » Répétons-le : comment accepter que soient mis sur le marché des produits importés qui ne répondent pas aux normes imposées à nos paysans ?
Les résultats sont là, implacables : – 5 % pour la production de lait au premier semestre 2023 , – 6 % pour les porcs , – 4 % pour les volailles (la France importe 70 % des poulets qu’elle consomme !), concernant le bio – 12 % de la production et de la consommation pour le lait, – 30 % pour le porc… Concernant le porc, le Grand Remplacement de la population française joue un rôle certain…
« Pour les agriculteurs français, la situation est intenable et inacceptable : plus ils en font, plus on leur demande ! Tout se passe comme si les autorités et la société ignoraient la réalité d’une profession pleinement engagée dans la transition écologique, qui doit continuer à produire pour nous nourrir, tout en sécurisant son revenu », dénonce Sylvie Brunel, docteur en économie, agrégée de géographie, maître en droit public, spécialiste des questions alimentaires et de développement durable, dans un entretien à Atlantico. Son dernier livre : Nourrir, cessons de maltraiter ceux qui nous font vivre ! – Buchet-Chastel, 2023, a reçu le grand prix du livre éco 2023. Libre-échange et transition énergétique, que de crimes on commet en votre nom !
Face à la catastrophe, les remèdes proposés par les crânes d’œuf de l’administration française pourraient faire sourire si la situation n’était pas tragique. Le rapport sénatorial mentionné supra, œuvre des « petits hommes gris » de Bercy et autres déversoirs de l’ENA, propose un certain nombre de mesures, dont :
• nommer un Haut-commissaire chargé de la compétitivité de la “Ferme France” afin d’assurer le pilotage et le suivi du plan “Compétitivité 2028” ;
• faire de la France un champion en matière d’innovation environnementale ;
Vous avez bien lu : nommer un Haut-commissaire pour toujours plus de normes environnementales. On croit rêver…
Incompris et abandonnés – les grands médias nationaux n’ont quasiment pas relayé le mouvement de fronde qui secoue la profession depuis des semaines dans toute la France –, les paysans français ont mis à l’envers quelque 10 000 panneaux d’entrée de commune. « Une manière de dénoncer que l’on marche sur la tête en France. Plutôt que d’aider l’agriculture à se développer et assurer la souveraineté alimentaire du pays, les pouvoirs publics français nous imposent des contraintes européennes encore plus fortes qui nous affaiblissent », dénonce Céline Imart, agricultrice et responsable de la FNSEA dans le Tarn. Remarquons que, face à la catastrophe, la FNSEA commence à réaliser que l’UE n’est pas nécessairement la solution aux problèmes de l’agriculture française. Un réveil que l’on saluera, bien qu’il soit particulièrement tardif. Mais en persévérant dans son européolâtrie, le syndicat (encore) majoritaire risquait à terme de voir s’envoler ses adhérents vers d’autres syndicats plus lucides…
La protestation paysanne s’accompagne souvent de démonstrations plus « musclées » telles que le blocage de préfectures et autres bâtiments administratifs (La Roche-sur-Yon, Pau, Castelsarrasin…)
C’est la fin progressive à compter du 1er janvier 2024 de l’exonération fiscale sur le gazole non routier annoncée par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, qui a mis le feu aux poudres. Une mesure qui, si elle était mise en application, multiplierait par sept la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) d’ici à 2030, entraînant un surcoût de 2 000 euros pour une exploitation agricole de 100 hectares qui consomme 10 000 litres de gazole par an.
La guerre en Ukraine et la suicidaire politique de sanctions à l’encontre de la Russie ont triplé la facture énergétique des agriculteurs. Le doublement, voire le triplement, annoncé de la redevance sur le prélèvement d’eau pour l’irrigation inscrite dans le projet de loi de finances 2024 – une lubie des écolos – est la cerise sur le gâteau.
Par ailleurs, les firmes agroalimentaires achètent aux agriculteurs leur production à peine au-dessus du coût de revient, étranglant littéralement de nombreuses exploitations :
On peut redouter que les terres laissées par les paysans français partant en retraite ne soient rachetées à vil prix par des multinationales américaines, à l’image de ce qui s’est passé en Ukraine. Une main-d’œuvre étrangère – venant d’Ukraine, de Moldavie, d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, de Géorgienne, de Macédoine, de Moldavie, ou encore du Kosovo, tous pays à faible niveau de vie et par ailleurs candidats à l’UE – les travaillera pour une bouchée de pain. Les produits agricoles résultants seront vendus à des prix rondelets sur les marchés solvables dont la France, ruinée, ne fera plus partie. Une plus-value à deux chiffres qui ira enrichir les actionnaires de BlackRock ou Vanguard. Parallèlement aux fonds de pensions américains, des investisseurs chinois pourraient se montrer intéressés par l’affaire : ils achètent déjà à bas prix nos forêts, importent le bois en Chine et nous le revendent sous forme de meubles, de parquets, etc., avec une jolie plus-value…
Il est décidément temps que les Français réalisent quel piège mortel est l’Europe de Bruxelles. On peut redouter qu’ils n’en prennent conscience que lorsque leur pays aura été vendu à l’encan. La presse aux ordres et les partis politiques institutionnels ne manquent pas une occasion pour leur faire l’article. Difficile d’échapper à un endoctrinement de tous les instants…