Rendez nous la messe !

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Analyse de la situation juridique par Gregor Puppink, directeur de l’ECLJ, Centre Européen pour le droit et la Justice

Un juge du Conseil d’État, statuant en référé, a décidé ce samedi 7 novembre de ne pas restaurer la pleine liberté de culte, rejetant ainsi le recours introduit par la conférence des évêques, des congrégations et des fidèles catholiques. Cette décision mérite plusieurs commentaires.

Un premier constat s’impose : le recul de la connaissance du catholicisme par les autorités publiques, et le choix historique qui en résulte pour les évêques d’attaquer le gouvernement en justice pour défendre leurs libertés. C’est un changement culturel.

Pour le gouvernement, le commerce compte plus que la religion : à aucun moment le Conseil d’État n’a remis en cause cet axiome. La liberté de culte ne serait plus qu’un aspect de la liberté de réunion et vaudrait moins que la liberté de manifestation qui, elle, demeure autorisée. C’est là une chute considérable car jamais les rédacteurs de la loi de 1905 n’avaient imaginé rabaisser ainsi la liberté de culte. Le droit international place même cette liberté de religion au-dessus des autres libertés en n’y admettant « aucune dérogation », même « dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel ». Étonnamment, le juge a volontairement ignoré cette disposition du Pacte international sur les droits civils et politiques.

Le juge n’a pas davantage relevé l’excès de pouvoir commis par le gouvernement: en décidant quelles cérémonies religieuses peuvent être célébrées dans une église (mariage et enterrement avec 6 et 30 personnes respectivement), à l’exclusion des autres (baptêmes, confirmations, ordinations, etc.), ce qui viole manifestement la loi de 1905. La République est censée ignorer les pratiques religieuses.

On peut toutefois savoir gré au Conseil d’État d’avoir apporté plusieurs précisions utiles :
Les fidèles peuvent se rendre dans les lieux de culte situés à plus d’un kilomètre et pour une durée supérieure à une heure, en cochant la case « motif familial impérieux ». À cet égard, le juge des référés invite le Gouvernement à corriger le formulaire pour y « expliciter » cette faculté.

Les ministres du culte peuvent recevoir individuellement les fidèles, se rendre à leur domicile et dans les établissements dont ils sont aumôniers pour y exercer leur ministère. Les prêtres catholiques peuvent donc administrer les sacrements à l’église, chez les particuliers, ainsi que dans les écoles, prisons ou hôpitaux, sans être soumis à la limite des six personnes constitutives d’un regroupement lorsque celle-ci ne s’y applique pas.

Les fidèles peuvent aussi se rendre dans les lieux de culte pendant que le prêtre y célèbre la messe à condition d’y éviter « tout regroupement avec des personnes ne partageant pas leur domicile ». Sur ce dernier point, le flou demeure quant aux critères du regroupement. Comme le Gouvernement l’a reconnu à l’audience, on peut être plus de six personnes dans une grande église sans créer de regroupement… tout dépend de la taille du lieu de culte. Il est regrettable à cet égard que la France n’ait pas adopté un critère objectif de densité des fidèles par mètre carré, à l’instar de nombreux pays.
 
Il convient enfin de relativiser la portée de cette décision.

Comme tout référé-liberté, il s’agit d’une décision prise à juge unique, dans l’urgence. Elle n’est pas définitive et ne vaut que « en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance ». Ainsi, le juge pourra être ressaisi en référé dès que de nouvelles circonstances pourront être invoquées au soutien de la libération du culte. A cet égard, le juge a souligné que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire « suppose l’engagement à bref délai d’une concertation avec l’ensemble des représentants des principaux cultes, destinée à préciser les conditions dans lesquelles ces restrictions pourraient évoluer. » Ce faisant, le juge soutient discrètement la demande des représentants des cultes à être entendus.

Enfin, tout fidèle peut encore saisir le Conseil d’Etat d’un recours en excès de pouvoir contre le décret du 29 octobre 2020 afin que les juges, siégeant cette fois-ci de façon collégiale, tranchent cette question sur le fond. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pourrait même se greffer à la procédure. Mais cette procédure prendra plusieurs mois.
 
En attendant, il demeure possible de déclarer à la préfecture la tenue de manifestations sur les places publiques, pour y réclamer la pleine liberté de culte tout en y célébrant la messe. Les prêtres peuvent aussi célébrer chaque jour des messes de requiem avec trente fidèles, même en l’absence de corps, comme le décret les y autorise.

L’ECLJ soutiendra les actions nationales et locales pour de tels rassemblements. À cette fin, nous publierons des informations pratiques sur les moyens légaux et concrets pour défendre notre liberté de culte. Nous vous encourageons à vous abonner à nos pages Facebook et Youtube où nous publierons très prochainement ces informations. Vous pouvez également nous contacter en réponse à ce courriel si vous avez des questions pour organiser ce type d’événement ; nous essayerons de vous répondre rapidement. 
 
Grégor Puppinck,
Directeur de l’ECLJ

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