Denis Tillinac ou l’armure des sentiments.

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A l’ami disparu…..

Lors de nos rencontres communes avec André Bercoff et Denis Tillinac, je n’ai pas pu aborder Denis Tillinac sur le même mode qu’André Bercoff.. Il m’a fait pleurer deux fois et m’a ému bien souvent. Je dois avoir un problème avec les racines ou avec le dévoilement des sentiments. Je ne sais pas. J’avais tout lu lorsque je l’ai rencontré. J’ai dit ce qu’il en avait été de la lecture de « Je nous revois ». Après celle de « Maisons de famille », j’ai longuement marché et beaucoup médité. Méditer à partir d’un roman, ça n’est pas rien, ça signe et évoque un livre, un grand, une œuvre, une vraie.

Ainsi donc, on comprendra quel était mon état d’esprit à la veille de la rencontre avec Denis Tillinac. J’avais eu auparavant un bref échange épistolaire en marge d’une affaire, quelque peu semblable à l’affaire Viguier, pour laquelle je l’avais sollicité.

Denis Tillinac avait souhaité, avant de s’aventurer avec Bercoff et moi, que nous nous rencontrions seul à seul. Je pris donc la route d’Auriac un certain samedi de printemps. Au téléphone, il m’avait dicté la route à emprunter. La bonne, celle-là et nulle autre. J’avais les jours précédents révisé les œuvres de mon auteur (les deux dictionnaires amoureux du Catholicisme et de la France et surtout les « Marques de l’éphémère » qui cristallise somptueusement une des réflexions les plus brillamment pertinentes sur le décadence, la mort des civilisations etc..). Je voulais assurer mes arrières mais je n’en menais pas large devant ce que je vivais comme un examen de passage.

En approchant du village, j’eus soudain l’impression de faire un pèlerinage, les images nées de mes lectures s’accrochaient aux paysages comme si j’étais soudain entré dans un film en  bandes dessinées. J’avais eu cette impression en lisant Vircondelet et en me laissant guider à Venise vers les lieux d’où Canaletto avait regardé puis couché sur la toile ces trésors de rigueur et de lumière. Le village offrait en cette fin de matinée, cette image (ce spectacle) de solitude désolée à laquelle je m’attendais. Sous le porche de l’église, je téléphone, on m’a guidé et je suis arrivé au but.

De ce déjeuner, j’ai retenu la gentillesse de Monique Tillinac, l’exceptionnelle disponibilité de Denis Tillinac, sa prodigieuse vivacité d’esprit et son immense culture (j’aurai l’occasion d’y revenir). J’ai retenu aussi le nombre de bouteilles bues et de cigarettes fumées. J’ai trouvé ce que j’étais venu chercher et la confirmation de ce que j’avais lu.

Et si l’on me dit que je cède à une vénération adolescente, je réponds  que si les clercs n’ont pas, comme les saints, un pouvoir outre  de séduction, s’ils ne suscitent pas l’admiration et l’enthousiasme, ils me déçoivent puis ils m’ennuient. Je voulais installer Denis Tillinac dans mon Panthéon, demandant à Vallès (Et oui !), à Céline et aux autres de lui céder un peu de place. Je voulais rêver. J’ai réussi et suis rentré dans un enchantement qui a ressuscité ma jeunesse.

Et cet enchantement ne s’est pas dissipé à la relecture de certains livres.

Il y a chez Denis Tillinac une riche complémentarité entre le romancier, le moraliste …et le pamphlétaire. Le romancier décrit, raconte, illustre l’homme vivant, celui d’une histoire et d’un lieu (un pagus), pas un être hors sol et sans âme. Un homme qui se cherche et peine à se trouver…hors de ce qu’il est…voici ce que l’on trouve dans « Incertains désirs », « l’Hôtel de Kaolack ». Le moraliste, l’homme au-dessus des choses a écrit les dictionnaires amoureux. Se liguant avec le pamphlétaire, il a écrit, s’adressant à la jeunesse, ses considérations inactuelles pour ceux que saisit l’inquiétude devant la liquéfaction civilisationnelle, « Les masques de l’éphémère » et « Le  venin de la mélancolie ». Et puis à tous une perle, comme un manifeste que l’on peut glisser à l’autre : « Du bonheur d’être Réac ».

J’ai déjà dit que je n’étais pas biographe et à peine portraitiste. Mais esquisser le portrait d’un écrivain, d’un que l’on considère comme un vrai clerc n’est-ce-pas dire qu’on l’aime ?

Et vous l’aimez-vous ?

Daniel Cosculluela.

 Nos rencontres et discussions sont illustrées par une photographie des deux protagonistes et par quelques extraits d’une brillante, comme habituellement, déclamation de Denis Tillinac à propos de l’Art…

« A propos de l’histoire de l’art occidental, un jour Jean Foyer, ministre de De Gaulle, m’avait invité à déjeuner avec Marie France Garraud qui me dit, me demandant des nouvelles de Chirac, « c’est curieux, Jacques en vieillissant s’intéresse aux bouts de cailloux taillés ! ». Les Arts Premiers, le concept tellement significatif de la barbarie mentale. Arts Premiers ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce qui est intéressant à étudier est la succession des expositions de cette « Connerie » du Musée Branly. C’est la chose la plus bête que l’on ait imaginé. On est en définitive entre une histoire du folklore et du folklore exotique. En ce moment il y a un truc sur l’Art Kanak…

L’Histoire de l’Art ce n’est pas compliqué.

Ça a commencé par des peuples qui d’une façon picturale ou autre racontent l’histoire de leur hantise et l’histoire de leur espérance. Cela finit par construire une esthétique qui est si stable, que c’est celle que tu vas retrouver sous forme des minettes et des play-boys dans Elle, dans Lui ou le Figaro Magazine d’aujourd’hui. Il y a deux messieurs qui l’incarnent, pour résumer c’est Fidès et Praxitèle. C’est le modèle classique qui a duré du siècle de Périclès, IVème-Vème siècle avant J-C, ça continue avec l’Art Romain avec les statues. C’est en gros la même chose. Ça dure huit siècles. Il n’y a pas d’Art Romain, c’est l’Art Gréco-Romain.

Il se passe quelque chose de nouveau. Notre civilisation n’est rien d’autre qu’un modèle de l’éternel féminin, la fonction de Vénus et de la Vierge, c’est la jonction du Judéo-Christianisme, du Gréco-Latinisme. Il se passe donc quelque chose vers le IVème siècle après J-C, vers la fin de la romanité, quand la théologie catholique s’est constituée. On voit apparaître quelque chose de nouveau qui garde des ancrages…mais exit l’art Gréco-Romain qui est l’Art Crypto-Chrétien, c’est-à-dire Ravenne, les fresques des catacombes. Ça murit…la Basilique Constantinienne emprunte beaucoup à l’architecture grecque qui avait pris un peu à l’architecture égyptienne, il est vrai ! A partir de ce moment-là, tu as une histoire de l’art proprement occidentale qui se développe vers la fin des Mérovingiens, VIIème et VIIIème siècle qui va nous raconter à peu près la même histoire, de l’Art Roman à l’Art Gothique en passant par l’Art Cistercien, avec des façons diversement imagées. On va passer d’une iconographie qui va valoriser Dieu le Père à une iconographie qui va valoriser le Christ. Il y a toujours une Vierge au milieu, cette Vierge est toujours en rapport avec Vénus. C’est ça la civilisation chrétienne ! Pute, mère et amante, tu as toujours cette féminité que l’on ne retrouve pas dans les civilisations orientales, ni en inde, ni en chine. Ils ne savent pas ce qu’est la féminité et ils ne savent pas non plus ce qu’est sa représentation. La grande victoire qui a vraiment générer l’Art Occidental, c’est la victoire de l’occident et de la Papauté sur les iconoclastes au VIIème et VIIIème siècle, contre Léon l’Isaurien, c’est-à-dire contre les Byzantins qui affirmaient, comme plus tard les Musulmans, qu’on ne peut représenter le Divin. Donc pas d’images de Dieu, ni du christ, ni des saints et ni de la Vierge.

 En résumé, l’histoire se décline avec le Roman, le Cistercien, le Gothique, le Gothique flamboyant et la Renaissance qui donne naissance à l’autoportrait, le tableau dans le tableau. Elle se poursuit en Maniérisme puis dans sa dégénérescence, on parvient au Baroque au XVII-XVIIIème siècle qui conduit au Rococo avec ses cochonneries autour de la gloriette à Schönbrunn…..

Il faut supprimer le mot culture….tout cela est bidon. Il y a la crèche où on s’occupe des enfants, les maires ne font que construire des crèches, et puis tu as l’Ehpad où l’on s’occupe des vieillards. Dans l’intermédiaire, comme on ne sait pas quoi foutre des gens, maintenant qu’ils ne travaillent plus, on a fait la culture. Il y a donc la crèche, l’Ehpad et la culture…trois façons d’abrutir les gens. Il faut arrêter avec ce truc de culture, il faut supprimer le Ministère de la Culture, il faut un Ministère du Patrimoine pour retaper le Louvre et Notre-Dame de Paris, très bien,  c’est ce qu’a fait Malraux. De Gaulle a inventé le Ministère de la Culture pour que Malraux fasse de beaux discours, ce qu’il a fait. Il fallait le supprimer après.

Il y a deux conceptions de la culture : la conception française, celle de Prosper Mérimée, un être qui a un commerce assez élevé avec les choses de l’esprit, la littérature, la philosophie, et il y a la conception prussienne que Bismarck a imposée, collective. Staline a d’ailleurs créé un Ministère de la Culture pour entraîner les gens au Marxisme…Il faut arrêter ce truc, stopper toutes les directions culturelles, les trucs et les trocs. Il faut foutre tout cela au boulot…..

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