Alain Juppé : « TransCub nous emm… depuis des années » (2013)
Communiqué de l’association Trans’cub:
Pour les courageux, arrêt du Conseil d’Etat
CONSEIL D’ETAT
statuant au contentieux SJ N° 428156
ASSOCIATION TRANS’CUB
et autres
M. Thomas Pez-Lavergne Rapporteur Mme Mireille Le Corre Rapporteur public
Séance du 9 novembre 2020
Lecture du 20 novembre 2020
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’État statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème et 2ème chambres réunies)
Sur le rapport de la 7ème chambre
de la Section du contentieux
Vu la procédure suivante :
L’association Trans’Cub, M. Jacques Dubos, M. François-Xavier Lagrue et
M. Denis Teisseire ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d’une part, d’annuler les
délibérations du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux du 8 juillet 2011 et du
21 décembre 2012 ainsi que la décision du président de la communauté urbaine de Bordeaux du
18 avril 2013 refusant de retirer ces délibérations et, d’autre part, de constater l’illégalité des
clauses tarifaires résultant des délibérations de la communauté urbaine de Bordeaux du
22 décembre 200 6 et du 10 juillet 2009. Par un jugement n° 1302295 du 9 mai 2016, le tribunal
administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 16BX02303 du 18 décembre 2018, la cour administrative
d’appel de Bordeaux a rejeté l’appel qu’ils ont formé contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en
réplique, enregistrés les 18 février et 20 mai 2019 et 10 juillet 2020 au secrétariat du contentieux
du Conseil d’Etat, l’association Trans’Cub, M. Dubos, M. Lagrue et M. Teisseire demandent au
Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
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3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 5 000 euros au
titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
…………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
- la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes en service
extraordinaire, - les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Carbonnier,
avocat de l’association Trans’cub, de M. Dubos, de M. Lagrue et de M. Teisseire et à la
SCP Foussard, Froger, avocat de la Bordeaux Métropole ;
Considérant ce qui suit :
- Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, par une délibération du
20 décembre 1991, la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole, a
concédé le service public de l’eau potable et de l’assainissement à la société Lyonnaise des Eaux
pour une durée de trente ans à compter du 1
er janvier 1992. Le 22 décembre 2006, le conseil
communautaire a approuvé l’avenant n° 7 à la convention de délégation de service public dont
l’objet est notamment d’augmenter les investissements à la charge du délégataire de
146 à 302 millions d’euros sur la durée du contrat. Par une délibération du 10 juillet 2009, le
conseil communautaire a approuvé un avenant n° 8 ayant notamment pour objet d’imposer au
délégataire le remplacement sur le réseau de distribution des branchements en plomb pour un
montant prévisionnel de 78 millions d’euros et de fixer une indemnité de retour tenant compte de
l’absence d’amortissement total de ces travaux à l’échéance de la délégation. Le 8 juillet 2011, le
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conseil communautaire a adopté une nouvelle délibération qui a, notamment, approuvé des
créations de postes en prévision de la reprise du service en régie à l’issue du contrat. Enfin, par
une délibération du 21 décembre 2012, le conseil communautaire a approuvé un avenant n° 9 à la
convention envisageant les modalités de transition vers un nouveau modèle d’exploitation du
service sans modifier la date d’échéance de la délégation, telle que prévue initialement, fixée au
31 décembre 2021. L’association Trans’Cub, M. Dubos, M. Lagrue et M. Teisseire ont adressé
au président de la communauté urbaine, le 21 février 2013, un recours gracieux dirigé contre les
quatre délibérations mentionnées précédemment. Après le rejet de leur demande par une décision
du 18 avril 2013, ils ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d’une demande tendant à
l’annulation pour excès de pouvoir des délibérations du 8 juillet 2011 et du 21 décembre 2012
ainsi que de la décision refusant de retirer ces délibérations et celles des 22 décembre 2006 et
10 juillet 2009. Par un jugement du 9 mai 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Les requérants se pourvoient en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de
Bordeaux du 18 décembre 2018 qui a rejeté l’appel qu’ils avaient formé contre ce jugement. - En vertu de la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d’Etat, statuant
au contentieux, la contestation de la validité des contrats administratifs par les tiers doit faire
l’objet d’un recours de pleine juridiction dans les conditions définies par cette décision.
Toutefois, cette décision a jugé que le recours ainsi défini ne trouve à s’appliquer qu’à l’encontre
des contrats signés à compter du 4 avril 2014, date de sa lecture, la contestation des contrats
signés antérieurement à cette date continuant d’être appréciée au regard des règles applicables
avant cette décision. Dans le cas où est contestée la validité d’un avenant à un contrat, la
détermination du régime de la contestation est fonction de la date de signature de l’avenant, un
avenant signé après le 4 avril 2014 devant être contesté dans les conditions prévues par la
décision n° 358994 quand bien même il modifie un contrat signé antérieurement à cette date. - En l’espèce, les délibérations du 22 décembre 2006, du 10 juillet 2009 et du
21 décembre 2012 sont relatives à des avenants au contrat de concession antérieurs au
4 avril 2014. Eu égard à la date de conclusion de ces avenants, elles constituent, avec la décision
refusant de les retirer, des actes détachables du contrat de concession susceptibles de faire l’objet
d’un recours pour excès de pouvoir.
Sur le pourvoi en tant qu’il concerne les délibérations des 22 décembre 2006 et
10 juillet 2009 : - D’une part, une délibération approuvant un contrat de concession et
autorisant le maire à le signer est dépourvue de caractère réglementaire, sans qu’ait à cet égard
d’incidence la circonstance que le contrat approuvé comporte des clauses revêtues d’un caractère
réglementaire. D’autre part, une telle délibération crée des droits au profit du concessionnaire. - Dès lors, la cour administrative d’appel, qui ne s’est pas méprise sur la
portée de ces délibérations, n’a pas commis d’erreur de droit en retenant que la délibération du
conseil communautaire du 22 décembre 2006 approuvant l’avenant n° 7 au contrat de concession
et celle du 10 juillet 2009 approuvant l’avenant n° 8 étaient dépourvues de caractère
réglementaire et avaient créé des droits au profit de la société concessionnaire et en déduisant,
d’une part, que l’autorité compétente de Bordeaux Métropole était tenue de rejeter la demande
dont elle avait été saisie de retirer ces délibérations au-delà du délai de retrait de quatre mois et,
d’autre part, que les moyens excipant de leur illégalité étaient inopérants à l’encontre de la
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décision du 18 avril 2013 du président de la communauté urbaine de Bordeaux refusant de
procéder à leur retrait.
Sur le pourvoi en tant qu’il concerne la délibération du 21 décembre 2012 : - Aux termes de l’article 40 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la
prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures
publiques, dans sa rédaction postérieure à la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la
protection de l’environnement, codifié à l’article L. 1411-2 du code général des collectivités
territoriales et dont la substance est désormais reprise aux articles L. 3114-7 et L. 3114-8 du code
de la commande publique : « Les conventions de délégation de service public doivent être
limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations
demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la
convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du
montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale
d’amortissement des installations mises en œuvre. Dans le domaine de l’eau potable, de
l’assainissement, des ordures ménagères et autres déchets, les délégations de service public ne
peuvent avoir une durée supérieure à vingt ans sauf examen préalable par le directeur
départemental des finances publiques, à l’initiative de l’autorité délégante, des justificatifs de
dépassement de cette durée. Les conclusions de cet examen sont communiquées aux membres de
l’assemblée délibérante compétente avant toute délibération relative à la délégation ». - Ces dispositions répondent à un impératif d’ordre public qui est de garantir,
par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux
contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation. Un tel
motif d’intérêt général ne saurait, pas plus que la nécessité d’assurer l’égalité de tous les
opérateurs économiques délégataires de service public au regard des exigences de la loi,
entraîner la nullité des contrats de délégation de service public conclus antérieurement à l’entrée
en vigueur de la loi du 29 janvier 1993 pour des durées incompatibles avec les dispositions de
son article 40, ni contraindre les parties à de tels contrats à modifier leur durée. Il implique en
revanche, non seulement qu’aucune stipulation relative à la durée du contrat, convenue entre les
parties après la date d’entrée en vigueur de la loi, ne peut méconnaître les exigences prévues par
son article 40, mais en outre que les clauses d’une convention de délégation de service public qui
auraient pour effet de permettre son exécution pour une durée restant à courir, à compter de la
date d’entrée en vigueur de la loi, excédant la durée maximale autorisée par la loi, ne peuvent
plus être régulièrement mises en œuvre au-delà de la date à laquelle cette durée maximale est
atteinte. - Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté
urbaine de Bordeaux a approuvé, le 21 décembre 2012, un avenant n° 9 au traité de concession
ayant notamment pour objet de consacrer le principe d’une maîtrise d’ouvrage communautaire
sur certains investissements structurants, d’encadrer et de planifier la transition vers un nouveau
mode d’exploitation du service en précisant les conditions financières de sortie de la concession
et de valider une nouvelle grille de tarification du service de l’eau applicable aux usagers. - Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour écarter comme
inopérant le moyen, invoqué à l’appui du recours pour excès de pouvoir formé contre la
délibération du conseil communautaire du 21 décembre 2012, tiré de ce que l’avenant approuvé
par cette délibération méconnaissait la portée des dispositions de l’article 40 de la loi du
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29 janvier 1993, la cour a retenu que cette délibération ne pouvait être regardée comme ayant eu
pour objet de prolonger l’exécution du contrat de concession au-delà du délai de vingt ans prévu
par la loi. En statuant ainsi, alors que cette délibération, qui a d’ailleurs été adoptée après
consultation, à l’initiative de la collectivité, du directeur départemental des finances publiques,
telle qu’elle est requise par les dispositions législatives citées au point 6, impliquait, par les
modifications qu’elle approuvait, la poursuite de l’exécution du contrat au-delà du mois de
février 2015, c’est-à-dire au-delà de la date à laquelle la délégation de service public aurait dû en
principe prendre fin en application de la loi du 29 janvier 1993 modifiée par la loi du
2 février 1995, la cour administrative d’appel de Bordeaux a méconnu la portée de cette
délibération. - Si Bordeaux Métropole, venue aux droits de la communauté urbaine de
Bordeaux, demande que soit substitué au motif retenu par la cour un motif tiré de ce que des tiers
à un contrat administratif ne peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre une
décision refusant de mettre fin à l’exécution du contrat, qui peut faire l’objet uniquement d’un
recours de plein contentieux devant le juge du contrat, il ressort des pièces du dossier soumis aux
juges du fond que la requête présentée devant eux tendait, en tout état de cause, non à ce qu’il
soit mis fin au contrat liant Bordeaux Métropole et la société Lyonnaise des eaux, mais à
l’annulation de la délibération décidant de la poursuite de l’exécution du contrat au-delà de la
durée maximale de vingt ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 2 février 1995. Par
suite, ce motif ne peut être substitué aux motifs retenus par l’arrêt attaqué. - Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur
l’autre moyen du pourvoi dirigé contre cette partie de l’arrêt attaqué, que cet arrêt doit être
annulé en tant qu’il statue sur les conclusions dirigées contre la délibération du
21 décembre 2012. - Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de
Bordeaux Métropole la somme globale de 3 000 euros à verser aux requérants au titre des
dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font
en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de ces derniers, qui ne sont pas, dans la
présente instance, la partie perdante, la somme que demande au même titre Bordeaux Métropole.
D E C I D E :
Article 1
er : L’arrêt du 18 décembre 2018 de la cour administrative d’appel de Bordeaux est
annulé en tant qu’il statue sur les conclusions dirigées contre la délibération du
21 décembre 2012 de la communauté urbaine de Bordeaux.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, à la cour
administrative d’appel de Bordeaux.
Article 3 : Bordeaux Métropole versera la somme globale de 3 000 euros aux quatre requérants
au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées au titre
des mêmes dispositions sont rejetées.
N° 428156 – 6 –
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l’association Trans’Cub et autres est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’association Trans’Cub, représentant unique pour
l’ensemble des requérants, et à Bordeaux Métropole