Le passage en régie de l’eau.
Vendredi 18 décembre 2020, le Conseil de Bordeaux métropole a voté, à une très large majorité, le passage en régie de la gestion de l’eau. L’eau sera gérée par une régie publique (un Etablissement Public Industriel et Commercial) à partir de janvier 2023. Cette décision intervient à la fin d’un contrat très juteux pour Suez et très défavorable aux abonnés. Ils ont payé, pendant trente ans, l’eau beaucoup trop cher. Philippe Poutou, avec les autres élus, s’est félicité de la fin du contrat mais il a été le seul à voter contre la prolongation d’un an de la concession à Suez. Il doute que cette année supplémentaire soit nécessaire à une « bonne transition ». Les élus ont suivi le Président Anziani, maire de Mérignac, qui a proposé un avenant de prolongation d’un an. Cet avenant limitera les profits de la multinationale à 8% du chiffre d’affaire. Ce pourcentage est quand même conséquent et très supérieur à ce qui se pratique habituellement. Les taux de profit ne dépassent que rarement 4% et dans un domaine sans risque, comme la concession, ils sont plutôt de l’ordre de 2%.
Les profits de Suez avant l’intérêt des abonnés.
Limiter les profits de Suez, c’est bien. En faire profiter les abonnés, cela aurait été mieux. En ramenant les profits de Suez à un niveau normal, la facture de chaque abonné aurait pu baisser d’au moins 10%. Pourquoi cette décision n’a-t-elle pas été prise ? Pourquoi aucun des élus ne l’a proposée ? Comment des élus, qui normalement défendent leurs électeurs, n’ont pas profité de la limitation des profits de Suez pour baisser le prix de l’eau ? Une telle annonce, liant la fin du contrat avec Suez avec une forte baisse du prix, aurait peut-être donné, publiquement, raison à TransCub. Cette association, depuis 1992, dénonce le vol que subissent les abonnés à l’eau avec la complicité des élus… Baisser les prix, après tant d’années de dénonciation par les associations, cela aurait été une reconnaissance, tardive, que ces militants associatifs avaient raison… Un affichage fâcheux qui aurait pu « donner de l’eau au moulin » de Denis Teisseire qui continue à demander que la Métropole constate la caducité du contrat qui est intervenue depuis 2015. La loi a limité ce type de contrat à 30 ans. Et celui de Suez qui date de 1990, aurait pu prendre fin, au plus tard, en 2015. Il est caduc depuis 5 ans, mais les élus ne veulent pas l’admettre, faisant ainsi les affaires de la multinationale…
Le mot caduc est tabou.
Le mot « caduc » n’a jamais été prononcé au cours du très long débat de vendredi. Et pourtant, il est d’actualité. C’est cette question de la fin anticipée du contrat avec Suez qui a motivé les actions de TransCub en annulation de décisions de la Métropole. Et le Conseil d’Etat vient juste de donner raison à Transcub en renvoyant l’affaire devant la cour administrative d’appel. La constatation de la caducité, aurait permis d’arrêter, sans indemnité, le contrat de l’eau. Cela aurait permis d’épargner aux abonnés le coût des sur-profits de Suez. L’association estime le trop payé par les abonnés à plus de 100 millions d’euro. A peu prés 500 € par famille. Somme qui pourrait être récupérée.
Aucun élu n’a soulevé cette question. Pas même Poutou!
Au début du contrat, en 1993-1994, quand les factures ont commencé à s’envoler, les élus communistes étaient intervenus. Mais, depuis cette date, tous les élus taisent le scandale des profits exorbitants de Suez. Quand, en 2018, un élu avait soulevé la question de la caducité (pour la première fois!), Alain Juppé avait reconnu que le contrat était à la fois mauvais et trop long. Mais il avait justifié son refus d’utiliser la loi pour arrêter le contrat, en parlant de risques juridiques d’indemnisation de Suez. Un argument qui n’en est pas un. Soit la caducité est reconnue par Suez ou par le juge, et aucune indemnité n’est due puisque c’est la loi. Soit le juge ne reconnaît pas que la loi s’applique et l’indemnité est couverte par l’économie réalisée. La vérité est que, s’il y a des raisons qui motivent les élus, celles-ci ne sont pas l’intérêt général.
La corruption
Une corruption peut être financière, mais elle peut avoir d’autres motivations. On se souvient qu’Alain Juppé a été condamné pour des emplois fictifs en faveur de son parti politique. Il argumentait en expliquant qu’il n’y avait pas d’enrichissement personnel. Oui, mais dans son cas, il avait personnellement intérêt à ce que son Parti soit bien financé… Comment expliquer que tous les présidents qui se sont succédés à la tête de la Métropole aient tous défendu les intérêts de la multinationale? Malgré les changements de majorité, toutes couleurs confondues. Pour les élus de base, la discipline de parti, la soumission aux consignes de vote des chefs, est la condition pour être ré-élu. C’est une forme de corruption que de défendre sa place. Et pour les chefs ? Qu’est-ce qui explique qu’ils fassent passer les profits de Suez avant le portefeuille des électeurs ? L’eau est trouble à Bordeaux.
La proximité des services de la Métropole avec la multinationale est également avérée. Ainsi ceux qui sont chargés de surveiller le travail du délégataires (100 fonctionnaires selon les débats) semblent avoir de fortes proximités avec leurs homologues de Suez. Un contrat exceptionnellement long crée des proximités, des habitudes…
Mais comment expliquer le silence des élus écologistes sur la question sensible et essentielle de la prolongation du contrat pour an supplémentaire et de sa caducité ? D’autant que ces élus ont été régulièrement informés. Il semble, et c’est bien triste, que ce soit simplement la coalition qui les lie au président Anziani qui motive leur silence. C’est ce que l’on appelle de la corruption électorale. Pour des raisons électorales, ils ménagent Anziani…
Bérézina de l’honneur.
Ils sont 7 élus, au moins, à avoir renié leur parole. 7 élus qui, avant les élections, s’étaient engagés devant Transcub et devant leurs électeurs à défendre la caducité du contrat de Suez. Et, ce vendredi 20 décembre 2020, à la première occasion où ils auraient dû prendre la parole et voter pour honorer leur engagement, ils se sont tus. Pire ils ont voté un prolongement d’un an. Pas un de ceux qui ont été élus après cette promesse n’a tenu parole. Pour Transcub c’est un échec à 100%!
Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, écologiste, qui représente le plus grand nombre d’abonnés, n’a pas dit un mot sur la caducité.
Clément Rossignol-Puech, écologiste, maire de Bègles, pas un mot, non plus, sur la caducité.
Alain Garnier, maire d’Artigues, idem. Il a pourtant été élu à 14 voix Prés…
Patrick Labesse, maire de Carbon Blanc, pareil.
Nordine Guindesse, maire d’Ambares et Lagrave…
Stéphane Delpeyrat, maire de Saint Médard…
et même Sylvie Cassu-Schott, l’élue de la métropole en charge de l’eau, a oublié sa promesse.
C’est une Bérézina de l’honneur et de la parole donnée.