Les sanctions occidentales contre la Russie ont accéléré la dédollarisation et l’abandon du dollar américain dans le monde, a averti Stephen Jenn, directeur général du gestionnaire d’actifs basé à Londres « Eurizon ».
En effet, les États-Unis mènent depuis des dizaines d’années une « diplomatie » punitive », à base de sanctions, qui frappent tous ceux (organisations internationales, États, entreprises, et même particuliers) qui ne se soumettent pas à « leurs règles », à leur vision politique ou à leurs intérêts économiques ou financiers.
Les sanctions sont bien souvent prises sous prétexte de l’utilisation du dollar dans les marchés, contrats ou transactions qui déplaisent à la Maison-Blanche et frappent parfois même des échanges ou des personnes n’ayant aucun autre lien avec les États-Unis que le libellé en dollar des contrats…
Ces subterfuges permettent aux États-Unis d’imposer « l’extraterritorialité » du droit américain justifiant des poursuites aux États-Unis contre des filiales d’entreprises récalcitrantes violant les interdictions américaines de commercer avec certains pays ou personnes inclus dans « leur axe du mal » ou décrétées « corrompues ».
Ainsi, la part du dollar dans les réserves mondiales a chuté dix fois plus vite l’an dernier qu’au cours des deux dernières décennies, a déclaré Jenn, cité par Bloomberg. Le processus a débuté lorsque certains pays ont commencé à chercher des alternatives après avoir observé le gel des avoirs de la Russie à l’étranger et la déconnexion du pays du système financier mondial SWIFT, a expliqué l’expert.
Le dollar a perdu environ 11% de sa part de marché depuis 2016, et le double depuis 2008, estiment Jen et sa collègue d’ « Eurizon », Joanna Freire.
« Le dollar a subi un effondrement stupéfiant en 2022 de sa part de marché en tant que monnaie de réserve, peut-être en raison de l’imposition massive de sanctions », indique le commentaire publié par les médias américains. « Les actions extraordinaires prises par les États-Unis et leurs alliés contre la Russie ont surpris les principaux pays détenteurs de réserves », dont la plupart sont des économies émergentes, ont expliqué Jen et Freire.
Le billet vert représente désormais environ 58% des réserves mondiales totales, contre 73% en 2001, lorsqu’il était la « réserve hégémonique incontestée », selon les experts.
La Chine et l’Inde s’efforcent d’utiliser leurs propres devises pour régler le commerce international, tandis que la Russie a commencé à accepter les paiements pour ses exportations d’un certain nombre de pays en roubles et en yuan chinois.
Plus tôt cette semaine, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a appelé les pays en développement à s’éloigner du dollar américain au profit de leur propre monnaie.
Suite aux commentaires de Lula, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a reconnu que le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale pourrait diminuer alors que Washington utilise son influence sur le système financier mondial pour poursuivre ses objectifs géopolitiques par le biais de sanctions.
Mais quoi qu’il en soit, quoi que l’exercice de substituer d’autres monnaies de réserve, de change ou de comptabilité au dollar soit complexe, la machine est lancée. De plus en plus nombreux sont les pays à ne plus supporter ou admettre cette extraterritorialité de leur droit et de leur monnaie.
Par leur arrogance, les États-Unis scient la branche « dollar » sur laquelle leur hégémonie économique puis politique, est largement fondée (l’autre branche étant leur supériorité militaire).
La « dédollarisation » est peut-être l’un des rares phénomènes nouveau et réjouissant de ce début de XXIe siècle qui peut conduire les nations européennes à prendre conscience de la nécessité de reprendre leur indépendance, quel qu’en soit le coût, afin de ne pas être totalement entraînées dans la chute du bien vieillissant « nouveau monde ».