Vin : Le Bordeaux en grave crise

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Crise du vignoble : « À l’heure actuelle, le Bordeaux coûte moins cher qu’une bouteille de vinaigre »

Dix jours après la manifestation des vignerons en détresse à Bordeaux, une cellule de crise se réunit ce vendredi pour la première fois à la préfecture de la Gironde afin de venir en aide à la filière viticole bordelaise. Une filière qui se débat pour survivre.

Le vignoble de Marie-Claude et Frédéric, à Saint-Félix-de-Foncaude dans l’Entre-deux-Mers : « Je connais des viticulteurs en dépression graves, ils sont au bout du rouleau. » 

« Beaucoup de gens vont se suicider. » Dans l’Entre-deux-Mers, le désespoir des vignerons est tel que certains confessent avoir « des idées noires ». Face au malaise et après la mobilisation à Bordeaux en faveur de l’arrachage primé, la préfecture de la Gironde réunit ce vendredi une cellule de crise rassemblant les services de l’Etat, de la région, du département, un collectif de viticulteurs, l’interprofession, la chambre d’agriculture et la Mutualité sociale agricole. Du monde autour de la table pour tenter de sauver le plus grand vignoble AOC de France (110.000 ha) et tenter d’éviter une vague de drames humains. Le prix en vrac des vins de Bordeaux s’écroule depuis plusieurs mois : la crise du Covid, un marché chinois qui se ferme de plus en plus, un désamour des jeunes Français pour le vin rouge… Les viticulteurs surproduisent face à une demande qui baisse.

« On est devenus les éleveurs laitiers de la viticulture, on va mourir », déclare Patrice, 58 ans, qui cultive 49 ha de vignes près des côtes de Saint-Macaire. « Il y aurait 500 comptes bancaires bloqués et entre 3.000 et 4.500 dossiers de recouvrement encore à la MSA sur 5.200 viticulteurs que compte la Gironde ! C’est une catastrophe économique immense qui se prépare.’

« A l’heure actuelle, si vous allez dans la grande distribution, le Bordeaux coûte moins cher qu’une bouteille de vinaigre, on est à peu près à 1,60€ la bouteille de Bordeaux. Voilà ce que représente le Bordeaux ! » Quatrième génération de vignerons, Jacques, 57 ans, possède une quarantaine d’hectares dans le Sauveterrois. Il est prêt à abandonner le sécateur. « Beaucoup d’entre nous vont rester sur le carreau. »

« La cellule de crise a son utilité pour ceux qui vont vraiment très, très mal », estime Marie-Claude, viticultrice avec son mari Frédéric à Saint-Félix-de-Foncaude. « Je connais des viticulteurs en dépression graves. Ils sont au bout du rouleau. Certains ont hypothéqué leur maison qu’ils ont payée depuis 30 ans pour faire des prêts à court terme à la banque. »

Piste envisagée par le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) pour sortir de la crise, la reconversion semble « très difficile » pour Jacques depuis l’Entre-deux-Mers. « Vu notre topologie, nous avons des sols argilo-calcaire, pas de système d’irrigation, donc les céréales, il faut oublier. L’élevage ? Vous regardez autour de vous, il n’y a plus d’éleveur. Planter des arbres ? C’est pour les générations futures, il faut 25 à 40 ans pour avoir une coupe d’arbre. C’est maintenant qu’on a besoin d’aide. Demain, tout le monde aura disparu, ce sera trop tard. »

« A qui profite la crise ? » s’interrogent Marie-Claude, Frédéric et Patrice. « Certains s’enrichissent et d’autres s’appauvrissent. Ce n’est pas possible de proposer des offres d’achat de Bordeaux à 650 € le tonneau alors que les coûts de production sont entre 1.000 et 1.500 € ».

Ces viticulteurs de l’Entre-deux-Mers ne cachent pas leur colère contre le négoce et l’interprofession. « Le CIVB, ce sont toujours les mêmes personnes dans un jeu de chaises musicales. Nous avons une interprofession dirigée par un négociant, même si le conseil d’administration est paritaire (avec les vignerons), leur manque de vision est tel qu’on se demande ce qu’ils font, et il ne faut pas oublier qu’ils sont payés gracieusement ces gens-là. »

Dans un marché où le prix de vrac s’effondre, l’accumulation en parallèle de cotisations et de charges cristallise les rancœurs de Patrice. « On paye le syndicat, le CIVB, la Fédération des grands vins, l’INAO, la chambre d’agriculture, l’ADAR (Associations de Développement Agricole et Rural), puis toutes les certifications environnementales qu’on nous demande d’avoir, HVE, Bio, etc, il faut payer les techniciens, les frais de dossier, il faut payer les audits etc, etc, etc. Tout ça pour quoi ? Pour vendre des bouteilles à 1,50 € en linéaires ? Bravo ! »

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